« Une distance avec l’absurde »

Nous publions ici des propos de Laurent Terzieff
recueillis par Marie-Julie Lespinasse et publiés dans
le Journal du théâtre
à l’été 1996.

Politis  • 8 juillet 2010 abonné·es

« Faire du théâtre, c’est tendre un miroir qui reflète tout simplement la vie des hommes, mais – contrairement au cinéma, à la peinture, à la musique – à travers l’expérience sans cesse renouvelée du langage. Il n’y a de concret, paraît-il, que le présent. Or, par dérision, c’est le présent, justement, qui est insaisissable. Et l’un des merveilleux paradoxes du théâtre, à mon avis, c’est de faire, quand on est le public, que ce présent devienne saisissable. Comme le disait superbement Adamov, “le théâtre, c’est un temps réinventé dans un espace transfiguré”. Comme beaucoup de choses artistiques, mais peut-être plus encore que d’autres disciplines, le théâtre a un effet cathartique et sublimant. Il élargit notre perception, valorise, enrichit nos sentiments et nos pulsions dans notre vie quotidienne. Et, même quand il prend un aspect désespéré et désespérant, il donne à notre désespoir personnel une dimension en même temps qu’une distance qui nous permet d’affronter le monde absurde et cruel…

La particularité irremplaçable du théâtre, c’est qu’il se présente, avant tout grâce à la présence réelle et physique des acteurs sur le plateau, comme une expérience collectivement vécue, et c’est pour cela qu’il ne sera jamais détrôné. C’est ce qui fait aussi que le présent devient une chose concrète au théâtre, parce que l’on n’est jamais séparé, on devient un collectif, une unicité plurielle et non pas une foule solitaire comme au cinéma…
Je crois que le théâtre ne doit ni être référentiel ni coller à l’actualité immédiate. Il doit se situer en avant ou en retrait par rapport à l’événement.

Ce qui n’empêche pas, bien sûr, que j’aime les pièces qui interrogent notre époque, mais par le biais d’une métaphore. J’ai joué des pièces qui sont capables de modifier notre histoire. La réalité vécue entre tôt ou tard dans le monde des idées et du théâtre qui, alors, modèlent l’histoire. »

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