Courrier des lecteurs n° 1120

Politis  • 30 septembre 2010 abonné·es

Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, la main sur le cœur,
dénonce le pseudo-élan du cœur
de la gauche (!) et décrète d’une façon péremptoire que « le cœur bat
à droite ». Étant donné sa propension à la pédagogie, posons-lui la question : où se trouverait donc
son hypothalamus ?

Michel Angeleri, Chamalières (63)


Bien sûr, on ne peut pas tout savoir. Même lorsqu’on évolue au plus haut sommet de l’État. On n’est pas pour autant obligé de jouer au « cador » en se fendant de subtiles considérations à la noix, fût-ce en Périgord. Le dimanche 12 septembre, visitant avec Madame les fameuses grottes de Lascaux, not’ bon président a salué « le brave neandertalien qui avait parfaitement compris qu’ici c’était plus tempéré qu’ailleurs, qu’il devait y avoir du gibier, qu’il faisait beau et qu’il y faisait bon vivre ». Pas de bol, le pauvre « brave » en question s’est « cassé » de la région depuis quelque trente mille ans, et c’est son cadet de Cro-Magnon qui a peint Lascaux il y a dix-huit mille ans environ, de surcroît en pleine période glaciaire. Heureusement, le prévoyant Jean Mouchès avait dès 1996 enregistré une chanson sur mesure pour l’édification de notre grotesque visiteur : « la Ballade du Neandertal »…

Daniel Pantchenko


Je vous remercie beaucoup pour la parution, dans le n° 1117 de Politis , de la « Digression » de Thierry Illouz, écrivain que je ne connaissais pas et dont j’ai beaucoup apprécié le style très agréable, ainsi que le contenu de son texte.
La première raison est que je me suis reconnue dans ce qu’il décrit, j’aurais bien aimé avoir su moi-même faire un aussi beau texte sur le sujet. Je suis, pour ma part, fascinée depuis des années par les pays du Nord de l’Europe, les bords de l’Atlantique frais et venteux, et par l’Irlande en particulier. Il y a quelque chose qui résonne en moi lorsque j’entends parler de ce pays, de sa culture musicale, poétique, et de son histoire. […]
La deuxième chose que j’ai aimée est qu’il s’agit là du texte antiraciste et anticolonialiste le plus intelligent que j’ai lu depuis longtemps, car les arguments du style « on vient tous d’ailleurs » et « on est tous mélangés et métissés » sont ressassés depuis des décennies, sans beaucoup de résultat !

Marie-Hélène Gauthier, Barles (04)


La pub à la télé ! Grande idée de notre hyperprésident pour favoriser ses copains : la supprimer sur le service public ; sauf que, finalement, ça n’est pas une si bonne idée, et qu’on repousse la suppression totale ! Sauf qu’on nous prend pour des buses (pour être polie) car à 20 h 35 il y a toujours de la pub mais sous une autre forme.
Exemple : le 17 septembre, après les infos, on nous offre une émission de solutions avec la M… (manquerait plus que je leur fasse de la pub !), puis le Dr O… présente les programmes de France Télé et D… nous porte dans sa fourgonnette vers la météo ; et, pour finir, un petit coup de jambon d’A… pour partager la fiction de la soirée !
Moi, j’appelle ça de la pub !

Nicole Rouge


Carton rouge pour Flaubert

« Je trouve qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou, en simples forçats. Mais cela aurait blessé l’Humanité. On est tendre pour les chiens enragés, et point pour ceux qu’ils ont mordus. » (Extrait d’une lettre de Flaubert à George Sand, octobre 1871.)
Les quelques lignes mises en avant dans « le Point de vue des lecteurs » du n° 1118 de Politis sont à replacer dans le contexte politique, comme l’analyse Paul Lidsky dans son livre très documenté les Écrivains contre la Commune.
Beaucoup d’écrivains ont soutenu le peuple lors de la révolution de 1848, puis ont perdu peu à peu leurs illusions, le peuple ne se reconnaissant pas en ces individus idéalistes. Touchés dans leurs intérêts personnels et matériels,
ils seront quelques-uns à fuir momentanément les triviales réalités sociales. Flaubert est un ardent défenseur de l’art pour l’art, n’aspirant qu’à écrire et à contempler le monde depuis sa tour d’ivoire. Ces écrivains romantiques garderont de cette époque une profonde aigreur.
Ainsi, quand Flaubert s’intéresse aux Bohémiens, « inoffensifs comme des moutons », il s’intéresse surtout à une minorité écartée des luttes populaires et politiques. Il sera un fervent anticommunard, haïssant la bourgeoisie tout autant que le peuple…
Tout cela est à mettre en parallèle avec l’appel à la manifestation du 4 septembre contre la xénophobie d’État, célébrant la date anniversaire de la IIIe République, appel signé par toute la gauche,
à l’exception de ceux qui n’ont pas oublié que cette même république fut aussi la république de l’écrasement sanglant de la Commune et celle du colonialisme.

Dominique Benoît, Montreuil


L’analyse de Denis Sieffert, dans le n° 1118 de Politis, dont, en général, je partage le point de vue, m’a quelque peu interloqué.
Si le constat qu’il fait sur les débats intersyndicaux est certainement juste, FO et SUD voulant une date plus rapprochée, CGT et CFDT étant «  plus réservés » , l’interprétation qu’il en donne, avec une base « qui, elle, n’entend pas lâcher prise » , lui est toute personnelle et rien ne peut en attester. En dehors des journées d’action, combien d’entreprises peut-il citer qui se sont mises en grève ? Nous sommes loin de 1968, de 1995 ou même de 1981, lorsque la réduction du temps de travail d’une heure avait été annoncée sans préciser si elle serait ou non compensée. […]
Denis Sieffert se félicite que Ségolène Royal ait réaffirmé le retour de l’âge légal de départ en retraite à 60 ans. Cela n’est pas un scoop : le PS, après les cafouillages préliminaires, n’a jamais rien dit d’autre. Mais il oublie les 42 annuités, ce qui porte la retraite à taux plein à 64, 65 ou même 67 ans pour les jeunes, qui entrent aujourd’hui dans la vie active à 22 ans et demi en moyenne. Curieusement, le fait que le PS dise en substance « Ne vous en faites pas, on arrangera tout cela en 2012 » ne lui paraît pas un puissant frein à l’action ! Seule, la « tiédeur » de certains syndicats serait en cause !

Affirmer aujourd’hui « qu’un référendum est nécessaire » me paraît tout aussi démobilisateur. Il fallait le faire avant, mais ça n’est pas au moment où les luttes sociales peuvent encore grandir qu’il faut transférer la question sur le plan politique. Le seul geste politique qui aurait pu « booster » les luttes aurait été un projet commun alternatif de réforme. Une fois de plus, la carence de la gauche à s’unir est manifeste. Avancer maintenant l’idée d’un référendum que seul le Président peut décider n’est pas crédible.

La seule action conséquente à mes yeux serait, une fois que le débat au Sénat aura pris tournure, d’organiser une votation citoyenne demandant la dissolution de l’Assemblée nationale. Celle-ci vient de démontrer, pour la troisième fois, qu’elle n’était pas représentative du peuple de France, au nom duquel elle légifère. Elle a même démontré qu’elle pouvait violer le règlement intérieur sur la question somme toute mineure de l’heure de la fin des débats. Elle avait auparavant démontré sa non-représentativité en votant à 86 % le traité de Lisbonne, frère jumeau de la Constitution européenne, rejetée par 55 % des Français, et la réforme de La Poste, désapprouvée par 2,3 millions de citoyens lors de la votation. Des élections législatives anticipées auraient en outre le mérite de recentrer le débat politique sur les programmes, avec une attention particulière sur les retraites choix de société, plutôt que sur la couleur des yeux de tel ou telle « présidentiable ».

Jean-Claude Bauduret

Courrier des lecteurs
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