La droite revoit ses divisions

Les partisans de Gianfranco Fini, lassés des frasques de Silvio Berlusconi et de ses manœuvres pour contrôler la justice, veulent se démarquer du Parti de la liberté, où ils sont réduits à un simple courant.

Olivier Doubre  • 2 septembre 2010 abonné·es
La droite revoit ses divisions
© PHOTO : FABI/AFP

Face à l’opportunisme médiatique et aux manœuvres électoralistes, la droite a parfois des envies de moralité. En France, se démarquant des sarkozystes, Dominique de Villepin tente ainsi de rassembler les tenants d’une droite moins bling-bling, plus attachée au sens de l’État et à une certaine dignité dans l’exercice du pouvoir.

Bien que les références idéologiques soient fort éloignées, c’est une différence assez comparable de culture politique qui a conduit cet été une partie de la droite italienne à se démarquer du Parti de la liberté (PDL). Celui-ci est le résultat de la fusion voulue par Silvio Berlusconi au lendemain de son retour au pouvoir en 2008 entre sa propre formation, Forza Italia, et l’Alleanza nazionale (AN) de Gianfranco Fini, c’est-à-dire les héritiers du vieux MSI (le parti néofasciste créé après-guerre). Désireux d’instituer un bipartisme pour mieux dominer la grande formation, le Cavaliere avait alors reproduit à droite le processus de fusion du centre-gauche transalpin advenu un peu plus tôt, entre héritiers de la gauche de la Démocratie chrétienne et ceux du PCI, en un grand Parti démocrate. Mais, avalant au fil des mois moult couleuvres, une partie des troupes « postfascistes » (selon le terme de Gianfranco Fini), réduites au rôle de simple courant du très berlusconien PDL, ont eu de plus en plus de mal à taire leurs différences et même leur gêne face aux frasques d’un président du Conseil dont on apprenait tout de ses nuits passées auprès de call-girls, invitées dans ses nombreux palais à des fêtes où circulent personnages louches et cocaïne…

Surtout, l’obligation de voter à répétition des lois sur mesure destinées à alléger les impôts des sociétés de l’empire médiatique du Cavaliere, ou à empêcher la justice de poursuivre les nombreux ­procès intentés à ce dernier, est vite devenue insupportable à ces parlementaires dits « finiani » (pro-Fini), souvent élus par les couches populaires du très conservateur sud de l’Italie. Aussi, l’actuel projet de loi visant officiellement à réduire la durée des procès (souvent extrêmement longue en Italie), mais qui obligerait en fait les juges à les mener en un temps limité, faute de quoi les poursuites contre les accusés seraient tout bonnement prescrites, fut au cours du mois de juillet l’objet d’une forte contestation au Parlement, évidemment à gauche mais aussi parmi les finiani. Ce qui a suffi pour les voir immédiatement accusés de « trahison » par le reste des parlementaires du PDL, toujours prompts à défendre leur chef. Durant les derniers jours de juillet, à la veille des vacances du Parlement, la rupture a été officiellement consommée avec l’annonce de la création à la rentrée d’un groupe parlementaire séparé dont le nom, Futur et liberté, se veut un clin d’œil au mouvement artistique italien du début du XXe siècle, le futurisme, qui eut de nombreux liens avec le fascisme mussolinien.

Pour l’instant, les finiani ne parlent pas officiellement de créer une formation politique en tant que telle, mais le nouveau groupe compterait une dizaine de sénateurs et au moins 33 députés. Une importance relative qui suffit toutefois à remettre en question la courte majorité absolue dont disposait jusqu’à présent le gouvernement de Berlusconi.
Si la presse contrôlée par la famille du Cavaliere a aussitôt lancé une campagne d’une rare violence contre Fini, il semble que Silvio Berlusconi, en dépit de déclarations musclées, souhaite s’éviter de retourner immédiatement devant les électeurs, les sondages ne lui étant guère favorables. Au contraire de l’autre poids lourd de sa majorité, la xénophobe Ligue du Nord, qui ­semble en mesure de progresser encore dans le nord du pays et ne cesse d’appeler à des élections anticipées si le gouvernement n’obtient pas de majorité à la rentrée.

Or, au-delà des raisons immédiates qui ont porté à cette scission, c’est aussi l’influence grandissante de la Ligue qui pose problème aux finiani, nombre de dirigeants berlusconiens, représentants de la classe dirigeante du nord du pays, affichant de plus en plus leur proximité avec le parti séparatiste. Cette rupture au sein de la droite repose donc également sur la vieille opposition entre le Nord riche et le Sud défavorisé, qui divise l’Italie depuis l’unité du pays, dont on célèbre cette année le 150e anniversaire.

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