Parutions

Politis  • 2 septembre 2010 abonné·es

Jaurès, la passion
du journaliste

Charles Sylvestre, éditions Le Temps des cerises, 177 p., 12 euros.

Nous connaissons tous l’homme politique, le socialiste, le républicain. Nous imaginons
le tribun et nous avons lu ses discours. Nous connaissons l’historien. Mais on sait peut-être moins que Jean Jaurès fut aussi, et d’abord, un journaliste, un éditorialiste à la plume acérée.
Et pas seulement le fondateur de l’Humanité , mais un chroniqueur inlassable de l’actualité dans la Dépêche ou dans l a Petite République. C’est le mérite de Charles Sylvestre, lui-même ancien rédacteur en chef de l’Humanité , de faire revivre cet aspect du personnage. L’auteur restitue le contexte de certains articles. Il propose ensuite un choix de textes qui donne une idée du style de ce journaliste hors normes. Toujours simple et clair, souvent passionné, parfois lyrique, comme lorsqu’il s’exclame dans un article de 1887 de la Dépêche , en défense des ouvriers de la mine : « Plus de lumière ! demandait Goethe avant de mourir. Plus de justice ! demande notre siècle avant de finir. » Sylvestre nous fait aussi découvrir le chroniqueur littéraire citant Rimbaud, six ans seulement après la mort d’un poète encore bien méconnu. Enfin, il faut dire un mot des illustrations, que l’on doit au crayon vif et profond d’Ernest Pignon-Ernest.

La Nouvelle Raison
du monde

Pierre Dardot et Christian Laval, La Découverte, 504 p., 13 euros.

Voici une réédition en format de poche de l’ouvrage de référence que le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval ont consacré à la société néolibérale. Sans égal pour savoir de quoi l’on parle quand on évoque le « libéralisme » ou « l’ultralibéralisme ». Les mots et les concepts, ici, sont redéfinis et enracinés dans l’histoire d’un mouvement d’idées qui domine la construction européenne.

L’Enseignement du droit et la reproduction des hiérarchies
Duncan Kennedy, Lux Éditeur, 150 p., 16 euros.

Professeur de théorie du droit à la prestigieuse université de Harvard et auteur du remarqué Sexy Dressing publié en français par Flammarion il y a deux ans, Duncan Kennedy est l’un des principaux animateurs du courant radical des critical legal studies – dont les travaux sont assez peu lus des juristes français, connus pour une grande part pour leur conservatisme.
Et pour cause ! Au début des années 1980, il publie outre-Atlantique un petit essai aussi drôle qu’incisif et rigoureux, où il montre combien l’enseignement du droit «  contribue à reproduire une hiérarchie illégitime à l’intérieur du barreau et de la société en général ». Les éditions canadiennes francophones Lux, aujourd’hui implantées également dans l’Hexagone, ont eu la bonne idée de proposer plus de vingt ans après sa publication aux États-Unis une version française de ce texte qui, s’il traite du cas américain, s’avère un outil précieux de réflexion sur l’enseignement du droit en France. Outre l’analyse des mécanismes de reproduction des inégalités (tant sociales que raciales et sexuelles) véhiculées par des facultés de droit « sous l’emprise des privilégiés de notre société », l’éminent juriste appelle étudiants et professeurs à résister contre un tel système, en livrant une « proposition utopique » de programme alternatif d’études juridiques.
Un livre à lire d’urgence, en particulier à Assas et dans tous les amphithéâtres de droit de France et de Navarre !

Idées
Temps de lecture : 3 minutes