Accueillir oui, mais comment ?

Christine Tréguier  • 7 octobre 2010 abonné·es

À Montreuil, on aide les Roms. On se soucie de ces « gens de bidonville » (et pas du voyage) ostracisés et expulsés de leurs habitats d’infortune par le fait du prince et la préfecture. La mairie et deux associations logent déjà et accompagnent socialement 350 personnes dans des caravanes grâce aux fonds du Mous (Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale). En août, lorsque le préfet expulse à nouveau 5 familles d’un squat insalubre, elle n’a plus les moyens d’agir et lance une chaîne de solidarité auprès des associations locales pour trouver une solution d’hébergement provisoire. La paroisse protestante accueille les 40 Roms pendant quinze jours puis passe le relais à La Parole errante (théâtre et lieu d’accueil d’Armand Gatti) qui a justement programmé une journée de réflexion sur le sujet. Mais l’hébergement se prolonge, le froid arrive et les activités du théâtre sont en partie paralysées. Son administrateur, Jean-Jacques Hocquard, évoque un « accueil qui devient maltraitant » et s’inquiète de l’absence de relais : « La ville a amené ces familles chez nous dans un grand déploiement de moyens avec camions et personnels. Nous avons vu là les oracles d’une solidarité effective. Plus de quinze jours sont passés. L’enchaînement des solidarités tarde à se mettre en place. Il semble qu’il n’y ait pas vraiment de chaîne. La ville se retourne aujourd’hui vers les associations en leur demandant de prendre leurs responsabilités, disant qu’elle ne peut assumer tous les malheureux de la terre. »

Du côté de la mairie, on est un peu sur la défensive et on ne cache pas son impuissance. « Nos capacités à aider sont éteintes » , explique son attaché de presse David Bresson. Les fonds du Mous (alimenté par l’État et la ville), qui n’est d’ailleurs pas dédié qu’aux Roms mais à toutes les personnes en situation de précarité, ne sont pas illimités. « Nous sommes dans la même impasse que la Parole errante, l’enveloppe pour l’accueil d’urgence du 115 est déjà épuisée et la ville ne peut pas tout faire. » « Cette situation , poursuit-il, pose la question de la complexité de l’accueil des Roms. Dominique Voynet n’a cessé de le demander, il faut que l’État modifie leur statut juridique, qu’il les reconnaisse comme des citoyens européens pour qu’ils puissent accéder aux dispositifs de réinsertion » . Autres solutions évoquées : la fourniture de moyens d’urgence, de terrains militaires pour y installer des campements, etc. Bref que l’État traite les 12 000 à 15 000 Roms sur le territoire comme n’importe quelle autre personne. Ce qui est loin d’être le cas dans une France où l’aide aux plus démunis est déjà indigente.

Pour la Parole errante, « la question se pose avec acuité de savoir comment s’articulent les pétitions de principe solidaires et les réponses concrètes à apporter sur le terrain » . La troupe a choisi de formuler le problème en « poète », sous la forme d’une pièce de théâtre sur le train 713 qui ramena d’Auschwitz des rescapés (dont des Tziganes). En quête d’accueil, il tourna en vain autour de Vienne et disparut. Il devint silence. Aujourd’hui, écrit Stéphane Gatti, « le silence fait du bruit » et pose la question, irrésolue, de l’accueil de ceux dont personne ne veut.

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