Heureux propriétaires forestiers

Le gouvernement du Costa Rica rémunère les services rendus par la préservation des forêts, comme la conservation de la biodiversité. Mais le bilan de l’opération se révèle ambigu.

Patrick Piro  • 14 octobre 2010 abonné·es

Protection de forêts, de bassins versants en Amérique latine, en Asie, en Afrique, aux États-Unis, en Australie, etc., et même de captages d’eau à Vittel : les mécanismes de « paiement pour services environnementaux » (PSE) existent depuis une quinzaine d’années. L’un des plus importants est celui mis en place en 1996 par le Costa Rica. En échange de la protection des forêts tropicales locales, réputées pour leur richesse en biodiversité, leurs propriétaires perçoivent de l’ordre de 40 dollars par hectare et par an au titre de ­quatre services : séquestration de CO2, conservation de la biodiversité, protection des bassins versants, beauté des paysages. Les fonds proviennent d’une taxe sur les carburants mais aussi, entre autres, de « crédits environnementaux » achetés par les entreprises qui bénéficient de ces services (tourisme, par exemple.)

Selon le gouvernement, ce PSE a permis la récupération et la conservation de 10 % du territoire national en près de quinze ans.
Pourtant, les critiques sont nombreuses. Ainsi, le tarif payé est largement arbitraire, dépendant notamment des capacités financières du gouvernement, ce qui ne garantit pas l’adhésion permanente des quelque 7 000 bénéficiaires du PSE. Ensuite, des études ont montré qu’une bonne partie de ces paiements rétribuait des propriétaires qui n’auraient probablement pas dégradé leur forêt sans le PSE, rente dès lors indue.

Et puis le programme costaricain s’adresse principalement à des propriétaires individuels. Fâcheux, car la biodiversité est surtout menacée dans les zones où la poussée de l’agriculture grignote la forêt, en général occupées par des petits paysans organisés collectivement ou dépourvus de titres d’occupant. L’ONG Global Forest Coalition soulignait aussi, fin 2009, que les droits des peuples autochtones n’ont pas été respectés et que la distribution des paiements a causé de nombreux conflits et divisions dans leurs territoires [^2].
In fine, il n’est même pas clairement établi que le PSE a contribué significativement à la protection des forêts originelles. En raison d’un objectif tel que la séquestration du CO2, il a plutôt favorisé la monoculture d’arbres pour l’exploitation industrielle ainsi que les coupes sélectives, au profit de grandes entreprises forestières.

[^2]: Réalités du système Redd, sur www.globalforestcoalition.org

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