Jeter ses cartes de fidélité

Claude-Marie Vadrot  • 14 octobre 2010 abonné·es

Que faire ?

Explorer minutieusement ses poches et son larfeuille, repérer tous les morceaux de plastique plus ou moins colorés qui y traînent, en hésitant éventuellement sur la carte de crédit si elle n’est pas fournie par Carmouth, Auclerc, Franchan ou Système D, bienfaiteurs bien connus de l’humanité qui nous exploitent en écrasant les prix des paysans. Ne pas oublier celles que délivrent Bricofour et Machinmarché, les mécènes qui se font du blé en nous persuadant qu’il faut se ruiner en oubliant les artisans et en achetant des marteaux chinois qui tapent plus facilement sur les doigts que sur les clous, soit en martelant, comme le célèbre Michel-Édouard, que nous gagnons de l’argent en en dépensant plus. Une fois la recherche des cartes terminée, méthodiquement, les couper en petits morceaux. Non pas pour les manger ou les distribuer aux oiseaux, qui savent que tout ce qui brille n’est pas or, juste pour les jeter. Dans la bonne poubelle, bien sûr, car elles ne sont pas biodégradables.

Pourquoi ?

Ces cartes de fidélité informatisées donnent l’illusion que, pour grappiller quelques sous, il faut être fidèle à un escroc plutôt qu’à un autre, et sont conçues pour nous cerner, pour mieux exploiter nos humaines faiblesses, nos illusions ou notre inattention. Ces cartes proposent des ristournes et des « points » dont le coût est inclus à l’avance dans le calcul de la marge, donc dans les prix. Et le gain apparent, toujours faible, sert à payer de l’info à la chaîne de magasins ! Les renseignements privés demandés pour « bénéficier » de ces attrape-couillons permettent de mesurer l’étendue du grand fichage qui se profile derrière la fidélité. Exemple : en analysant avec des programmes informatiques sophistiqués le profil des acheteurs à carte et les réactions à des baisses ou à des augmentations de prix, les grandes surfaces mesurent la faculté d’acceptation des hausses par la clientèle. Car tous les achats des porteurs de carte sont répertoriés dans des mémoires, et l’informatique peut sortir le listing des produits achetés depuis dix-huit mois par un client. Ce qui permet, en référence aux informations gentiment fournies par le pigeon, de créer des profils d’acheteurs. Lesquels sont ensuite revendus à des sociétés spécialisées, puis utilisés pour envoyer des pubs et des propositions ciblées. Sans oublier la revente (illégale mais courante) de ces listings à des élus locaux et à des partis politiques désireux de cerner des profils socioprofessionnels particuliers. Il suffit d’exploiter les formulaires de demande des cent millions de cartes de fidélité actuellement en circulation.

Comment ?

• Refuser les cartes, surtout celles offrant un crédit permanent.
• Répondre gentiment, avec le sourire, à l’hôtesse de caisse qui vous demande
votre carte de fidélité : « Je ne suis jamais volontaire pour une escroquerie. »

Le geste utile
Temps de lecture : 3 minutes