Le temps inversé

Une mise en scène très convaincante de « Trahisons » de Pinter.

Politis  • 28 octobre 2010 abonné·es

Avec ses ambiguïtés et ses énigmes irrésolues, le théâtre d’Harold Pinter change de lumière et presque de sens selon la façon dont il est monté. Particulièrement la pièce Trahisons, qui peut passer pour une vision désenchantée de la place de la femme dans un monde machiste, pour la célébration de l’amitié ­entre hommes ou un éloge de la traîtrise et de la perversité.

Construite à l’inverse du temps, d’aujourd’hui à hier, prenant à rebours une histoire échelonnée sur quelques années, cette chronique d’un trio détaille les rencontres de deux hommes, un éditeur et un agent, et d’une jeune femme, qui est l’épouse de l’un et l’amante de ­l’autre. L’auteur anglais a construit une ­œuvre qui tourne comme un pas de vis dont on ne sait s’il broie ou libère les protagonistes.

On a beaucoup vu cette pièce, souvent jouée et naguère portée
à l’écran. La mise en scène de Mitch Hooper est, à coup sûr, l’un des regards les plus justes portés sur elle. Elle ne prend pas parti, ou plutôt elle prend parti pour tous les personnages. Delphine Lalizout incarne dans un dessin très sûr une amoureuse heureuse de son double destin. Anatole de Bodinat est l’agent-amant avec un faux flegme qui voile beaucoup d’intensité. Sacha Petronijevic joue le mari dans une distance troublante. Enfin, pour apporter un peu de rire, Rodolphe Delalaine campe en passant un serveur italien frère d’Arlequin. Tel est Harold Pinter, fraternel et vertigineux.

_G. C.

Culture
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