La nécessaire adaptation

Laurence Tubiana  • 25 novembre 2010 abonné·es

Longtemps, les négociations climatiques se sont peu préoccupées de l’adaptation au dérèglement, dont la prise en compte apparaissait comme une renonciation, un abandon du but principal recherché : la réduction très forte des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, les dés sont aujourd’hui jetés : même si les émissions globales diminuent de moitié d’ici à 2050 – une vraie gageure –, le réchauffement climatique aura (a déjà) des conséquences importantes. Si le gros des impacts est encore à venir, les premiers signes sont aujourd’hui largement perceptibles : fonte des glaces, sécheresses accrues, inondations et ouragans plus violents et plus fréquents.

Alors que les bénéfices d’une coordination globale en matière de réduction sont évidents, ils le sont beaucoup moins en matière d’adaptation. Les impacts du changement climatique sont géographiquement différenciés, et le bénéfice des politiques d’adaptation apparaît pour l’essentiel local. Digues, infrastructures, variétés agricoles résistantes à la sécheresse bénéficient d’abord aux habitants des régions qui les mettent en œuvre. Déclencher une action collective et coordonnée sur l’adaptation est donc intrinsèquement plus difficile et paraît moins justifié. De fait, l’accord de Copenhague ne la mentionne que dans un paragraphe succinct – incluant même les inconvénients des politiques de réduction des émissions pour les pays exportateurs d’énergie fossile !

En réalité, les motifs ne manquent pas pour fonder une action internationale pour l’adaptation. Le plus évident : les interdépendances entre pays, créées de fait par la gravité des impacts, source potentielle d’appauvrissement et d’instabilité au-delà des flux migratoires des populations déplacées sous l’effet de la dégradation des écosystèmes qui sont leur support de vie.
Mais la montée en puissance du thème de l’adaptation répond surtout à des données politiques nouvelles. Ainsi l’affirmation des petites îles, territoires menacés entre tous, qui ont acquis un poids symbolique dans la négociation, mais aussi la perception par l’Inde et la Chine des conséquences du changement climatique pour leur économie et leur développement. En témoigne l’attention portée à l’adaptation dans les premiers plans climats chinois (2007) ou indien (2008). C’est la prise de conscience des risques qui est pour une grande part à l’origine de l’entrée de plain-pied des pays émergents dans la négociation climatique.

Le cadre actuellement en négociation depuis Copenhague comprend deux volets : le plus simple porte sur l’élaboration d’un outil d’évaluation des impacts. Le second, bien plus ardu, concerne le financement : de quelles activités ? Comment évaluer les besoins ? Si les mesures d’adaptation sont partie intégrante des politiques de développement, quelle doit être la part de financement international ? Et d’où viendra l’argent ? Taxes sur les transports internationaux, sur les transactions financières, toutes les pistes sont encore ouvertes après le récent rapport du panel AGF des Nations unies, pour des besoins que plusieurs évaluations chiffrent à 100 milliards de dollars par an au moins à l’horizon 2020… À Cancún, si tout va bien, on se mettra au moins d’accord sur les structures de gestion du financement international de l’adaptation.

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