Le prix Goncourt pour Michel Houellebecq

Le prix Goncourt 2010 a été attribué à Michel Houellebecq pour son roman « La carte et le territoire ».

Politis.fr  • 8 novembre 2010
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Le prix Goncourt pour Michel Houellebecq
© La Carte et le Territoire, Michel Houellebecq, Flammarion, 428 p., 22 euros. Photo : AFP

Christophe Kantcheff avait consacré un article à la Carte et le territoire dans Politis , en septembre 2010, qui avait pour titre : « Un coup de vieux » . Le voici en accès libre et en intégralité :

Avec « la Carte et le territoire », Michel Houellebecq s’assagit mais persiste dans le genre poussif.

Ce roman-là, la Carte et le Territoire, qui vient cinq ans après la Possibilité d’une île , on imagine que Michel Houellebecq l’a écrit dans ses moments libres, entre deux mails importants envoyés à Bernard-Henri Lévy (une partie de cet échange a déjà été publiée en 2008 dans un volume intitulé Ennemis publics , dont on attend avec impatience la suite). Une distraction, en somme, un sas de décontraction. C’est sans doute pourquoi on n’y retrouve pas le même « esprit de provocation », la même verdeur dans le nihilisme que dans les romans précédents. Comme si Houellebecq – ce qui fait la réputation de la marque « Houellebecq » – avait pris un coup de vieux. Déjà.

Pour personnage principal, l’écrivain, dont la presse s’échine à voir en lui un « sociologue » , un « ethnologue » , un « Balzac » ou encore un « moraliste » , a choisi un artiste contemporain, Jed Martin, dont la cote ne cesse de monter bien qu’il change radicalement de manière, passant de la photographie de cartes Michelin à la peinture néofigurative. L’idée que l’art contemporain, ou l’un de ses représentants, soit symptomatique de notre époque prétendument décadente est une idée navrante tant elle est éculée. Reconnaissons cependant que Houellebecq évite la caricature outrancière, même s’il égratigne ce milieu, mais pas plus qu’un autre. On pourrait s’attendre à des réflexions sur la représentation artistique, puisque l’auteur affectionne les romans qui charrient des idées. C’est pauvre, comme à peu près sur tous les sujets.

L’autre héros de la Carte et le Territoire – presque un double de Jed Martin, puisqu’ils sont tous deux indifférents à «  ce qui pouvait s’apparenter à une relation amoureuse, et vraisemblablement aussi à toute relation humaine »  – s’appelle Michel Houellebecq. Il fallait bien que cela arrive ! L’auteur traite habilement ce personnage. En ne l’arrangeant pas physiquement –  « ses cheveux étaient ébouriffés et sales, son visage rouge, presque couperosé, et il puait un peu »  –, il met les lecteurs dans sa poche. Mais rien de désagréable sur son talent d’écrivain ou d’analyste d’œuvres d’art : Houellebecq l’iconoclaste n’écorne pas son image.

Poussif, peu drôle (sauf quelques trop rares passages), systématique (les développements consuméristes ou didactiques nombreux, récurrents et atones), la Carte et le Territoire ressemble aux autres romans de l’auteur, avec, toujours ostentatoire, la même idée fixe : Tout fout le camp, ma pauv’ dame. C’est l’académisme de la déprime. Michel Houellebecq s’est rangé des voitures. Il règne en petit-maître de la littérature anodine. Il ne fait plus peur à personne. Même pas à BHL.

Temps de lecture : 3 minutes
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