Berlusconi sauve son poste, mais jusqu’à quand ?

Olivier Doubre  • 15 décembre 2010 abonné·es
Berlusconi sauve son poste, mais jusqu’à quand ?
© Photo : AFP / Notimex

D’un cheveu. 314 voix contre 311. La Chambre des députés italiens a rejeté, mardi 14 décembre dans l’après-midi, les motions de défiance votées conjointement et présentées d’un côté par l’opposition de centre-gauche, le très pâle Parti démocrate (PD) et l’Italie des Valeurs (IDV) de l’ancien juge anti-corruption Di Pietro, le plus ardent opposant à Silvio Berlusconi, et, de l’autre, par Futuro e Libertà per l’Italia (FLI) du président de la chambre basse du Parlement, Gianfranco Fini, ex-« postfasciste » et ancien allié de Silvio Berlusconi. Le Sénat, où le gouvernement dispose d’une majorité plus confortable, avait – sans surprise – voté dans le même sens quelques heures plus tôt. Bien qu’incertain, ce résultat avait néanmoins été annoncé par nombre d’observateurs attentifs de la tumultueuse vie politique transalpine.

Silvio Berlusconi reste donc en fonction. La question qui se pose toutefois aujourd’hui est de savoir comment il pourra continuer de gouverner avec une aussi menue – et instable – majorité parlementaire, dans un pays où le pouvoir législatif détient, contrairement à la Ve République en France, de fortes prérogatives constitutionnelles. Trois voix, dans un Parlement où la discipline de vote est loin d’être une habitude, ne devraient pas lui permettre de tenir très longtemps. Ce qu’a bien compris Gianfranco Fini en refusant, malgré son échec, de quitter le perchoir de l’Assemblée.

Nombreux étaient donc les dirigeants politiques de toute appartenance à considérer, au cours des heures qui ont suivi, que « ce vote ne change rien » (Pier Luigi Bersani, leader du PD). « Berlusconi a gagné. Et maintenant que va-t-il faire ? » , s’interrogeait Italo Bocchino, patron des députés FLI. Le chef de file de la Ligue du Nord, Umberto Bossi, actuel ministre et principal allié de Silvio Berlusconi, dont le parti a le vent en poupe dans les sondages – contrairement au président du Conseil – a même jugé qu’il valait « mieux, dans ces conditions, aller aux urnes ». Quant au quotidien de centre-gauche La Repubblica , il n’hésitait pas à titrer sur internet : « Et maintenant, le non-gouvernement ! »

Il faut cependant souligner le climat qui a précédé le vote des parlementaires. De nombreuses rumeurs et déclarations ont dénoncé les tentatives de débauchage par des émissaires du président du Conseil de certains députés encore indécis, centristes, membres d’IDV, et bien sûr « finiens » de FLI, à coup d’espèces sonnantes et trébuchantes, de promesses de postes à responsabilités ou d’emplois de « consultants » grassement rémunérés. Des manœuvres qui sembleraient avoir porté leurs fruits, puisque cette très courte majorité a été obtenue grâce à la défection de deux députés de FLI, à laquelle il faut ajouter le passage dans le camp adverse de deux élus de centre-gauche et même – grande surprise – d’un membre d’IDV. Une fois encore, la classe politique italienne démontre qu’elle connaît des mœurs pour le moins étranges. Une classe politique dont l’image est largement ternie dans l’opinion.

Une grande manifestation d’enseignants, d’étudiants et de syndicalistes ouvriers, avait lieu à Rome le matin même du vote, poursuite de la forte mobilisation contre la réforme de l’enseignement supérieur voulue par le gouvernement (et toujours pas adoptée) qui secoue l’Italie depuis plusieurs semaines. À l’annonce de l’issue du vote des parlementaires, une partie des manifestants (qualifiés tout de go par la presse de « black blocks ») ont alors tenté de venir se rassembler, en signe de protestation, devant la Chambre des députés. Des heurts particulièrement violents avec la police ont éclaté. Les Italiens ont ainsi découvert dans leurs journaux télévisés du soir des images de véhicules en feu et de magasins détruits, un peu partout dans le très chic centre historique de la capitale. Des incidents graves, selon certains journalistes, que la péninsule n’avait plus connus depuis le mouvement de 1977. Vous avez dit fin de règne ?

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