L’au-delà de la scène

Trois livres proposent un regard sur le théâtre, de l’histoire de l’Odéon aux coulisses de la Comédie-Française en passant par la philosophie d’un jongleur.

Gilles Costaz  • 16 décembre 2010 abonné·es

Dans Étranges Animaux , un grand photographe, Raphaël Gaillarde, saisit en planches couleur les arrière-plans de la Comédie-Française, et Denis Podalydès commente ces images où figurent ses camarades comédiens et lui-même. Le reportage et les confessions sont inattendus et troublants. Gaillarde va dans les coulisses, attrape au vol un comédien lisant le journal dans le décor, d’autres se maquillant, enfilant leur masque ou s’écroulant de fatigue. Podalydès décrit ses camarades avec une belle douceur sensuelle ou bien, tout à coup, s’adresse à eux. Il dit par exemple à Catherine Hiegel ce qu’il pense de son attitude après qu’elle a été évincée (en gros : tu en fais trop). L’administrateur général, Muriel Mayette, qui elle aussi a un joli brin de plume, a raison de dire dans sa préface : « Ces photographies volées au secret disent en silence la densité de notre métier. »

Avec l’Odéon, un théâtre dans ­’Histoire, Antoine de Baecque et quelques collaborateurs retracent les deux ­siècles et demi d’existence du plus ancien théâtre de Paris, de Marie-Antoinette à Olivier Py. Le travail est considérable, et le plus surprenant est relatif aux années lointaines. L’Odéon récent, dirigé par Barrault, bousculé par Mai 68, repris en main par Strehler, Pasqual, Lavaudant, Py, tout cela est bien étudié. Mais la création du Mariage de Figaro de Beaumarchais en 1785 ou celle de la première pièce de Victor Hugo (sous le nom de son beau-frère !) sont quelques-uns des événements relatés dans un ouvrage très étoffé, beaucoup plus dense qu’un album, bien que ­l’illustration y ait une part importante (une caricature de Sennep est attribuée sans doute fautivement au Monde , elle a dû pa­raître dans le Figaro ).

Jérôme Thomas n’appartient pas encore à l’histoire, mais Jean-Gabriel Carasso et Jean-Claude Lallias consacrent à ce maître du jonglage un petit livre, Jérôme Thomas , conçu sous forme d’entretiens. Comme Podalydès réfléchit sur le théâtre, Jérôme Thomas médite infiniment sur le jonglage. Il a inventé la notion de « jonglage cubique », c’est-à-dire la pratique de cet art dans un espace conçu comme ayant quatre côtés. De telle sorte qu’on n’est plus exactement dans la tradition du cirque mais dans un dépassement des limites que Thomas compare aux recherches du musicien John Cage. Tout ce qu’il dit est passionnant.

Culture
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