Obama-McCain : pas le même corps électoral

Aux États-Unis, la campagne présidentielle de 2008 a aussi été marquée par l’opposition de deux silhouettes, l’une svelte et déliée, l’autre raide et lourde.

Alexis Buisson  • 23 décembre 2010 abonné·es

Le 7 octobre 2008, John McCain et Barack Obama se retrouvaient pour leur deuxième duel télévisé. Les traditionnels pupitres disposés de part et d’autre du plateau avaient cédé la place à deux chaises hautes côte à côte, façon bar branché. Pendant le débat, les deux hommes alternaient positions assise et debout, arpentant le plateau pour s’adresser au public installé autour de l’arène.
On vit rapidement que le candidat républicain peinait à croiser les jambes (le vétéran de la guerre du Vietnam a un usage limité de l’une d’entre elles après le crash de son avion de combat en 1967 à Hanoï). Debout, il boitait légèrement, et son corps semblait raide. La plupart des commentateurs ont noté, à l’inverse, la sérénité présidentielle de Barack Obama, maître de sa gestuelle comme de ses arguments.

Dans ces duels cathodiques où la comparaison entre candidats est instantanée, le moindre couac physique est aussi dangereux qu’un faux pas verbal. Le corps de McCain, éprouvé par la torture dans les geôles des Viêt-công et par des opérations répétées pour prévenir un cancer de la peau, a pu jouer en sa défaveur face au sémillant sénateur de l’Illinois à la silhouette svelte et déliée. À 74 ans, il peine à lever les bras au-dessus de la tête (saluer une foule de la main se révèle donc difficile) à cause de blessures de guerre mal traitées. Son visage, qui porte une cicatrice, est pâle du fait de la crème solaire appliquée régulièrement pour éviter de réveiller son cancer de la peau. Dans ces conditions, partager l’écran avec la figure « JFK-esque » d’Obama, 47 ans, affichant volontiers sa forme physique en jouant au basket-ball, était difficile.
Au pays de l’image, ces imperfections ne pardonnent pas. En 1960, la transpiration incontrôlée de Richard Nixon avait pénalisé le Républicain lors d’un débat télévisé resté fameux contre le séduisant « JFK ». Aujourd’hui, la démocratisation des écrans haute définition, qui font davantage ressortir les défauts physiques, accroît la pression sur les politiques. Lors de la campagne, John McCain était ainsi régulièrement interrogé sur son âge et son état de santé alors que ses tests médicaux confirmaient qu’il était en bonne forme. Il pourra se rassurer en voyant que le glamour de son adversaire, élu président, n’a pas résisté à la crise. En effet, la déroute des Démocrates aux dernières élections de mi-mandat en novembre a montré qu’après l’illusion de l’image venait la désillusion de la réalité politique.

Publié dans le dossier
Le corps en politique
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