Un objectif bien tiède contre le réchauffement

Si l’accord de Cancún sauve la diplomatie climatique de l’ONU, les engagements de réduction de CO2 actuels sont très insuffisants pour limiter la dérive des températures.

Patrick Piro  • 16 décembre 2010 abonné·es

L’objectif commun est de maintenir la hausse des températures moyennes à 2 °C, reconnaît l’accord de Cancún, voire 1,5 °C si la science climatique l’estime nécessaire – ce qu’exigent les petits pays insulaires menacés d’ici à la moitié du siècle par la hausse du niveau des mers. Bel exemple de schizophrénie. Car, dans le même temps, la somme des engagements volontaires de réduction des gaz à effet de serre des pays conduirait à une hausse minimum de 3,5 °C, estime l’Agence internationale de l’énergie. Un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) présenté à Cancún calcule que ces engagements conduisent à émettre au moins 49 milliards de tonnes (gigatonnes, Gt) d’équivalent CO2 en 2020, alors qu’il faudrait culminer à 44 Gt pour ne pas dépasser les 2 °C. Ces 5 Gt de trop (voire 9 Gt en cas d’application laxiste des engagements), baptisées « fossé gigatonne » ( gigaton gap ) par les ONG, représentent les émissions annuelles de tous les véhicules à moteur thermique de la planète en 2005.

Comment revoir ces engagements à la hausse ? Actuellement, seuls les pays industrialisés sont redevables de réductions, via le protocole de Kyoto, dont la première période d’engagements s’achève en 2012 [^2]. Mais, en raison du retrait des États-Unis en 2001 et du boum des émissions des pays émergents, le protocole ne concerne plus aujourd’hui que 27 % des émissions mondiales. C’est l’argument avancé à Cancún par le Japon pour refuser catégoriquement une deuxième période d’engagements après 2012. Si la voie Kyoto se bouche, il faudra mettre en chantier un nouveau protocole, incluant nécessairement les pays émergents – demande expresse des États-Unis. Mais il y faudra sans doute des années de négociations…

Or, les chercheurs avertissent : d’ici à 2020, il faut déjà infléchir, puis inverser, la courbe des émissions globales. À défaut, l’objectif 2 °C exigerait des réductions tellement drastiques qu’il deviendrait de fait irréaliste. Ce qui est déjà le cas, estiment nombre d’experts : les émissions croissent imperturbablement de 3 % par an.

L’impulsion supplémentaire pourrait venir des autorités locales, qui commencent à prendre leurs responsabilités face à des États limités (voir page précédente), et peut-être aussi des citoyens, plus perméables aux campagnes de sensibilisation locales qu’aux injonctions des grand-messes de l’ONU.

[^2]: Pour une très modeste baisse des émissions de 5,2 % par rapport à leur niveau de 1990.

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