2012 : choix cornélien au PCF

La désignation de leur candidat à l’élection présidentielle ravive les questions existentielles des communistes, qui se donnent jusqu’en juin pour trancher.

Michel Soudais  • 13 janvier 2011 abonné·es
2012 : choix cornélien au PCF
© Photos : AFP

Le Parti communiste va prendre son temps pour désigner son candidat à l’élection présidentielle. Tranquillement. La direction du PCF n’a donc pas apprécié que le Monde annonce, au beau milieu des travaux de son conseil national, qu’elle aurait d’ores et déjà décidé qu’il faut « se ranger derrière Jean-Luc Mélenchon » . Le communiqué adressé dès vendredi midi à toutes les rédactions pour démentir cette « rumeur » figurait à la meilleure place sur le site Internet du parti. Car une telle annonce, précipitée, ne peut que braquer les communistes contraints de faire un choix délicat, et même douloureux pour une majorité d’entre eux : ils voudraient que ce candidat soit issu de leurs rangs, mais sont conscients des conséquences qu’aurait un nouvel échec à ce scrutin, après le score cuisant de Marie-George Buffet en 2002 (1,93 %). Alors ils avancent lentement.

Et l’Humanité s’emploie à les rassurer dans le compte rendu que le quotidien communiste donne des rendez-vous politiques du week-end : le conseil national n’a pas dressé « encore de portrait-robot du candidat idéal, mais une esquisse assez nette de la campagne électorale que les communistes souhaitent mener pour la présidentielle et les législatives de 2012 » . Le texte adopté par 80 voix pour, 34 contre et 3 abstentions se présente comme une « adresse aux communistes » , mais on peut y lire en creux le cahier des charges que le PCF veut imposer au candidat qui aura son soutien.

Premier point, qui n’est pas anodin, le PCF y réaffirme nettement son engagement dans le Front de gauche, aux côtés du Parti de gauche et de la Gauche unitaire, et ouvert en théorie à « toutes les femmes et les hommes de gauche, communistes, socialistes, écologistes, républicains de progrès, féministes, militants syndicaux et associatifs, citoyens » . Le texte laisse même entendre la possibilité que de nouvelles formations le rejoignent, ce qui pourrait être le cas de la Fédération pour une alternative sociale et écologique (Fase). Ce rappel exclut par avance la candidature d’un communiste hostile à « la démarche de rassemblement entreprise avec le Front de gauche » , comme André Gérin. Le député de Vénissieux, à l’origine de la commission d’enquête parlementaire sur port de la burqa, se présente volontiers depuis dix ans comme le porte-parole de la résistance aux évolutions du PCF. Il a déjà fait savoir qu’il pourrait se porter candidat si la direction renonçait à présenter une ­candidature communiste.

Les objectifs de campagne du PCF sont fixés : « Battre Nicolas Sarkozy » , « barrer la route au Front national » , et « faire gagner la gauche » . Ce qui sous-entend d’éviter une confrontation trop rude avec les socialistes ou les écologistes. Car le but est bien de constituer une nouvelle version de la gauche plurielle « capable de mettre en œuvre, avec notre peuple, des mesures de changement favorables à ses intérêts » . L’avertissement vaut ici pour Jean-Luc Mélenchon, dont les attaques contre son ancien parti politique inquiètent la Place du Colonel-Fabien, soucieuse de préserver ses élus par de bonnes relations avec l’allié socialiste.

Enfin, dernière mise en garde envers son partenaire du Parti de gauche, le texte insiste sur le caractère nécessairement collectif de la campagne, qui doit « marquer ainsi nettement son opposition à la démarche de présidentialisation et de personnalisation de la vie politique » . Plusieurs porte-parole devraient donc animer la bataille électorale. Le PCF envisage aussi de « mener de pair » les campagnes présidentielle et législative afin d’avoir non « pas un candidat mais plus de mille avec les candidats titulaires et suppléants aux législatives » . Une manière, peut-être, de faire passer la pilule auprès de ses élus locaux d’un candidat non communiste à l’Elysée.
Ces exigences n’ont pas suffi à apaiser les craintes des communistes, dont les animateurs de section étaient réunis, le 8 janvier, en assemblée générale. De nombreux intervenants ont profité de cette réunion annuelle pour faire part de leur principale crainte : que les communistes disparaissent dans la campagne présidentielle si le candidat n’est pas issu de leurs rangs.

Le député du Puy-de-Dôme, André Chassaigne, dont la candidature (la seule déclarée officiellement), bien que favorable au Front de gauche, traduit cette crainte, n’est qu’à moitié convaincu par le démenti de la direction du PCF, et menace à mots couverts de se retirer si sa candidature n’est pas plus prise en considération. Les orthodoxes, prêts à le soutenir, sont persuadés, eux, que « tout est organisé pour entraîner les communistes à se rallier à Jean-Luc Mélenchon » , comme se plaint Nicolas Marchand, secrétaire fédéral du PC. « La direction du parti a décidé que ce serait Mélenchon, et c’est ce qui va se passer » , s’irrite Jacky Hénin, ancien maire de Calais. Pour l’heure, ils font circuler un appel à une candidature communiste signé par plus de 500 militants et élus. D’autres tentent de relancer la possibilité d’une candidature issue du mouvement social et avancent le nom de Maryse Dumas, sans que l’on sache si la dirigeante cégétiste accepterait de se lancer dans une telle aventure.

« Toutes les possibilités sont ouvertes » , continue d’assurer pourtant Pierre Laurent. L’appel à candidatures étant désormais lancé, le « choix définitif » ne se fera pas avant une conférence nationale les 4 et 5 juin, avec une ratification de ce choix par un vote des militants, les 16, 17 et 18 juin. Et s’il souhaite que le conseil national indique sa préférence, dès le 8 avril, le numéro un communiste n’a pu nous assurer qu’un seul nom sortirait du chapeau à cette date. Le débat ne fait donc que commencer et, à supposer même que son choix soit déjà fait comme l’avance le Monde , la direction du PCF semble bien en peine de le faire accepter. D’où sa prudence. Et sa lenteur.

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