« Particulièrement pervers »

Sébastien Fontenelle  • 13 janvier 2011 abonné·es

Le 7 janvier – sept jours, donc, après l’attentat meurtrier contre des Coptes d’Alexandrie –, le chef de l’État français a très sentencieusement déclaré, dans ses vœux d’an aux autorités religieuses hexagonales, que les chrétiens d’Orient étaient d’après lui la cible d’un, je cite, « plan particulièrement pervers d’épuration religieuse au Moyen-Orient » . (Un peu comme dans l’un de ces thrillers millénaro-conspirationnistes qui depuis quelque temps, je sais pas si t’as noté, envahissent les tables des marchands de polars.)
Il s’agissait, on l’aura compris, de l’une de ces ahurissantes divagations, faites à parts égales de cynisme et de menterie, où le chef de l’État français, depuis quatre longues années, socle son (odieux) règne.

Car bien sûr : si les vingt et une victimes de l’attentat d’Égypte font la preuve d’un plan d’épuration visant les chrétiens du Moyen-Orient, alors, nécessairement, et suivant la même délirante logique, les centaines de victimes, majoritairement musulmanes, de la dernière guerre israélienne contre Gaza – l’opération « Plomb durci », en 2008 – sont a fortiori la preuve de l’existence, dans la région, d’un non moins ourdi plan d’épuration visant, non plus des chrétien(ne)s, cette fois-ci, mais des mahométan(e)s.
Or, qu’on sache : jamais le chef de l’État français n’a formulé une si burlesque hypothèse.

(De même : jamais il n’a supposé que le constant hachis, depuis maintenant plus de sept ans [d’abord par des bombardements où il aurait follement aimé [^2] que la France tînt son rang, puis depuis la fin desdits par d’incessants attentats], de muslims de l’Irak relevait d’un complot.)

Itou : lorsqu’il a, juste après, dit dans ses vœux que chez nous, Dieu merci, mâme Dupont, c’est pas du tout comme dans ces contrées pleines d’Arabes épuratifs, vu que, chez nous, mâme Dupont, « la diversité humaine, culturelle et religieuse est la norme » , le chef de l’État français, de nouveau, errait
– ou se gaussait –, puisque bien au contraire sa présidence aura été, en chacun de ses instants, ou presque, celle de l’incessante stigmatisation, par des procédés sans cesse plus répugnants (incluant jusqu’au lâcher, par un ministre d’État, d’une « injure non publique à un groupe de personnes à raison de leur origine »), des musulman(e)s de France, obsessivement désigné(e)s comme trop culturellement et religieusement divers .

Au reste, et comme pour mieux signer l’insincérité de son prêche, le chef de l’État français le termina en rappelant que « la République » – devenue sous lui irréprochable – ne pouvait « pas accepter qu’une religion investisse l’espace public sans son autorisation » (pour, disons, prier dans la rue, faute de pouvoir le faire en des lieux plus appropriés).
_ Puis d’ajouter, sotto voce  : comme l’a si bien dit la Pen.

[^2]: Les documents diplomatiques rendus publics par Wikileaks l’attestent, et disent l’empressement, vaguement obscène, qu’il mit pendant la guerre d’Irak à léchouiller la clique bushiste.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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