Dakar, entre Tunis et Abidjan

Au-delà des thèmes des migrations ou des ressources naturelles, les événements qui secouent le continent africain devraient dominer le FSM de Dakar, rejoint par une forte délégation tunisienne.

Patrick Piro  • 3 février 2011 abonné·es

Un vent d’optimisme souffle sur le Sénégal à quelques jours de l’ouverture du Forum social mondial (FSM). C’est la troisième fois que le continent africain reçoit la manifestation. Bamako (2006) avait laissé une empreinte forte, dans un Mali en grande ébullition associative, tandis que Nairobi (2007) avait montré une société civile kenyane fractionnée, limitée dans sa capacité à porter le FSM et à en tirer partie. Les choses se présentent mieux à Dakar, « où l’on constate une vraie mobilisation des nombreux mouvements sociaux sénégalais – syndicats, paysans, femmes ou collectifs d’habitants » , constate l’économiste Gus Massiah, ­membre du Conseil international du FSM.

Plusieurs caravanes convergent depuis les pays voisins. « Dakar est pour nous un moment clé pour accélérer l’implication des acteurs africains dans la transformation de la société » , souligne Nathalie Péré-Marzano, déléguée générale du Crid, qui regroupe les principales ONG françaises de solidarité internationale, et qui annonce une délégation de 450 personnes. La préparation du forum semble avoir été relativement épargnée par le contexte politique sénégalais. Le président Abdoulaye Wade, très critiqué pour sa gestion du pouvoir, pourrait se présenter pour un troisième mandat en 2012. Le maire de Dakar, le socialiste Khalifa Ababacar Sall, est l’un de ses principaux opposants.
Sur ce continent où les volontaires pour l’exil sont toujours aussi nombreux, la question des migrations figure en bonne place dans le programme du forum. Une charte mondiale des migrants sera signée, qui consacrera aussi une journée de travail aux diasporas. Alors que les terres africaines se voient accaparées pour la production d’aliments destinés à l’exportation, et que les ressources naturelles sont menacées par l’expansion des populations et le dérèglement climatique, la conversion écologique des modèles agricoles et énergétiques sera aussi au cœur des échanges.

Plusieurs forums parallèles se tiendront pendant la période, dont une « assemblée mondiale des habitants » , très investie par le mouvement No Vox (sans-papiers, sans domicile, sans-emploi, sans-terre…), bien représenté en Afrique de l’Ouest. Les autorités locales des pays participants organisent aussi leur traditionnelle conférence. Enfin, près d’une centaine d’initiatives militantes raccrochées au FSM sont organisées dans le monde. Leurs animateurs tenteront de dialoguer via des cyberconférences. La capitale sénégalaise, haut lieu de la critique universitaire de l’impérialisme et de la colonisation, ne manquera pas de se saisir de la crise ivoirienne, qui oppose au sein même du forum les critiques de l’interventionnisme de l’Occident (qui veut le départ de Gbagbo) et les défenseurs du vote démocratique qui a élu Ouattara à la présidence. Les soulèvements populaires maghrébins, autres invités de marque des débats, provoqueront moins de clivages. Une délégation tunisienne très importante a prévu de se rendre à Dakar.

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