Écouter la différence

Orchestrée par Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFM TV, la confrontation entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen n’a fait que souligner les oppositions. S’il en était encore besoin.

Jean-Claude Renard  • 17 février 2011 abonné·es

Tout d’abord, il y a la réputation des candidats, crédités par d’aucuns d’un phrasé populiste. Puis, au milieu, un journaliste qui flirte parfois avec ce ton populiste, mais sans jamais tomber dans le piège. Ce qui ne l’empêche pas de tendre lui-même des pièges, avec un brin de perversité joviale, à ses invités politiques (le nombre de sous-marins nucléaires face à Ségolène Royal, au cours de la campagne 2007, c’est lui). Animateur de la matinale de RMC, en duplex avec BFM TV, Jean-Jacques Bourdin, en recevant Jean-Luc Mélenchon, le 21 janvier, avait fait le pari d’organiser un débat entre ce dernier et Marine Le Pen. « Cochon qui s’en dédit ! », avait répliqué le leader du Parti de gauche. Et Bourdin d’annoncer « le premier débat de la présidentielle 2012 ». Forcément, vu le ton emprunté, la confrontation pouvait en rappeler une autre, entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie (1989), dont on n’a retenu que la joute verbale et ­physique, les insultes, sûrement pas un débat de fond.

Autre temps, autres noms (ou presque). La nouvelle présidente du Front national avait au préalable prévenu l’animateur qu’elle ne voulait pas « d’un combat de catch ». Le débat se promet vif, remonté comme une pendule par les médias, présenté comme « l’événement politique ». BFM TV multiplie les annonces, filme l’arrivée en studio de Mélenchon et de Marine Le Pen ; RMC interroge ses auditeurs sur les différences entre les deux candidats. C’est visiblement tout ce qui intéresse la station.

Bourdin pose d’emblée la question, reprenant le dessin de Plantu, sans y répondre, avant de lancer le thème de l’immigration. Une immigration « qui nous enrichit » , dit Mélenchon, tandis que la fille Le Pen, qui lui reproche « une caution humaniste » , y voit « la déstabilisation massive de notre système de protection sociale » . Mélenchon entre sur le terrain concret des salaires et de la régularisation, la présidente du FN sort l’épouvantail. Du classique.

Au second chapitre, sur la laïcité, Le Pen en remet une couche sur le péril musulman, Mélenchon annonce que le Parti de gauche va faire la proposition d’une loi d’extension de la laïcité, évoque la loi de 1905, dénonce le vote FN sur les crédits pour les écoles privées. Coincée sur le terrain de la culture historique, Marine Le Pen lance la première attaque : « Vous êtes l’Yvette Horner de la politique ! » Bourdin veille à l’équité des temps de parole, enchaîne par la pause de 9 heures et les pubs, service privé oblige. À la reprise, consacrée à l’Europe, la voix du FN décline son discours noir et pessimiste, se fait au fil des minutes plus crispée. Mélenchon prône un Smic européen pour effacer la mise en concurrence des salariés. C’est là que Marine Le Pen décide d’attaquer sur l’inventaire du PS, traitant son adversaire de « rabatteur de voix pour le Parti socialiste » . Pour sûr, conclut Mélenchon, « pour vous taper dessus, on sera tous d’accord ! » .

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