Des violeurs aux faucheurs d’OGM

D’abord destiné à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, le fichier des empreintes génétiques a été étendu à d’autres délits au fil des lois successives.

Claude-Marie Vadrot  • 10 mars 2011 abonné·es

Le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) a été créé en juin 1998 par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Il concernait explicitement et uniquement « la prévention et la répression des agressions sexuelles et la protection des mineurs » . La gauche, le pouvoir judiciaire et policier et les associations familiales expliquaient alors qu’une telle loi ne pouvait inquiéter « les honnêtes gens », ceux qui ne courent ni après les petites filles ni après les petits garçons. En apparence, l’argument paraissait irréfutable. Il fallait être un esprit bien chagrin et paranoïaque pour affirmer, comme le firent quelques voix bien isolées, qu’il ne s’agissait que d’un début et que ce fichier serait un jour ou l’autre utilisé à d’autres fins. En décembre 2001, une nouvelle loi sur « la sécurité quotidienne » ajouta les actes de torture, de barbarie, de terrorisme et de destruction par incendie ou explosifs comme motifs d’entrée dans le Fnaeg.

Ce que le Parti socialiste n’avait pas osé entreprendre, la droite l’a fait en 2003 puis en 2004, en ouvrant « la possibilité » – jolie litote juridique – d’inscrire dans le fichier génétique les personnes provoquant « un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publique, ou une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État » . Cette référence à la tranquillité publique offre l’avantage, ce fut dit au cours des travaux parlementaires en 2004, de pouvoir ficher les faucheurs d’OGM ainsi que les écologistes et les syndicalistes organisant des barrages ou des manifestations sur la voie publique. 140 infractions et délits sont devenus des raisons légales de fichage biologique. La police et la justice pouvant l’exiger avant toute condamnation. À la « victime » innocentée ou au témoin de se débrouiller ensuite pour faire retirer son empreinte génétique du fichier. Mission quasi impossible, ce qui explique que le nombre des fichés a dépassé 1,5 million début 2011.

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