Émotion sucrée

Avec « Brown Sugar », Shakura S’Aida chante un blues âpre et doux.

Denis Constant-Martin  • 24 mars 2011 abonné·es

Certaines voix prennent immédiatement l’auditeur. Couleur ­sombre, montée de la gorge avec un rien de souffle ; ardeur du phrasé que met en valeur le sens des silences ; légers tremblements qui instillent l’émotion sans tomber dans le trémolo. Shakira S’Aida possède toutes ces qualités, qu’elle met au service d’un répertoire modelé sur le blues classique. Née à Brooklyn, élevée en Suisse, installée à Toronto, cette femme élégante incarne à merveille une nouvelle génération d’interprètes pour qui le blues n’est plus la bande sonore d’une vie de peines mais un répertoire qui, au-delà des histoires que disent les chansons, raconte une histoire : un passé afro-américain dont le présent ne peut se passer.

Avec Donna Grantis, remarquable guitariste fascinée par Jimi Hendrix et formée au jazz, Shakura S’Aida propose un art de synthèse où se retrouvent les classiques de la guitare, Muddy Waters et B.B. King, et les grandes dames de la voix : LaVern Baker, Etta James et Ruth Brown. De celles-ci, Shakura S’Aida a conservé l’art de conter et l’investissement total dans l’interprétation. Encore plus sensible sur scène, c’est lui qui garantit l’authenticité du blues ; il ne s’agit plus d’origine ou de mode de vie, mais d’un engagement vis-à-vis de l’auditeur : celui de le faire vibrer au son d’une émotion venue de loin, renouvelée et perpétuée intensément dans l’immédiat du concert.

Culture
Temps de lecture : 1 minute