« La Permission de minuit » : une relation lunaire

Dans « la Permission de minuit », Delphine Gleize met en scène avec subtilité un jeune malade et son médecin.

Christophe Kantcheff  • 3 mars 2011 abonné·es
« La Permission de minuit » : une relation lunaire
© Photo : JESSICA FORDE

Romain (Quentin Challal), 13 ans, est un enfant de la lune. Autrement dit, il ne peut s’exposer à la lumière du jour, parce qu’il est atteint d’une maladie rare et incurable : une déficience génétique qui entrave le processus de réparation de son ADN lors des radiations ultraviolettes. Danger encouru : celui de multiples et graves cancers de la peau. Depuis l’âge de 2 ans, il est suivi par un dermatologue, David (Vincent Lindon), directeur d’un service hospitalier, avec lequel il a établi des liens profonds. Mais, accédant à un poste à responsabilités à l’Organisation mondiale de la santé, celui-ci doit ­prendre congé de ses malades, et donc de Romain. Tel est l’argument de la Permission de minuit , le deuxième long-métrage de fiction de Delphine Gleize, sur lequel le film reste concentré : aucune digression, pas de narrations parallèles. Scénario, mise en scène et montage, rapide et serré, sont au service de ce seul récit.

Mais si le film suit une ligne claire (comme on le dit dans la bande dessinée), celle-ci n’est pas pauvre. La cinéaste exploite toutes les pistes qu’ouvre l’histoire qu’elle raconte, sans les transformer pour autant en pesantes thématiques. L’une d’elles est évidente, et centrale : les relations entre Romain et David. Au-delà du potentiel dramatique que préfigure leur prochaine séparation – il faut savoir gré à Delphine Gleize d’éviter le mélodrame et le débordement émotionnel, si tentants avec un tel sujet –, se pose en filigrane la question de la place que peut (ou doit) occuper un médecin dans la vie d’un jeune malade. D’autant que le père de celui-ci est parti. Parmi les scènes les plus réussies : celles où David apparaît comme un père de substitution pour Romain, allant dans ce sens bien plus loin qu’un simple médecin.

Conséquence qui n’est pas sans danger : comment David peut-il annoncer à Romain qu’il s’en va ? Le film montre avec précision le tourment affectif auquel le médecin est en proie, incapable de dire la vérité au garçon, ce que d’autres (la mère de Romain, par exemple) interprètent comme de la lâcheté.

Delphine Gleize aborde également ce que signifie être un adolescent différent tout en ayant des préoccupations ordinaires, ou ce que représente de remise en question pour un médecin de 50 ans le départ de « son » service hospitalier, et son remplacement par une nouvelle venue (Emmanuelle Devos). Mais la cinéaste le fait toujours avec délicatesse, aidée en cela par des comédiens impeccables (le jeune Quentin Challal en particulier). Le cinéma s’englue trop souvent dans les développements et les explications psychologiques pour ne pas saluer la justesse et la subtilité qui sont à ­l’œuvre dans cette Permission de minuit .

Culture
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