Post mortem

Ni paradis ni enfer, le Royaume accueille les morts. En toute absurdité.

Marion Dumand  • 24 mars 2011 abonné·es

Voilà une bande dessinée qui se lit comme un quotidien. Parce qu’elle se présente sous une forme similaire. Sans couverture, ses ­doubles pages immenses obligent à écarter les bras, à secouer les feuilles pour en enlever les plis. Et la gymnastique du lecteur continue.
Grand mais court (24 pages), le Royaume de Ruppert et Mulot joue de tous les formats. Les cases ­passent du format A2 au timbre-poste : on les éloigne de soi ou se les colle sous le nez, tour à tour et inversement.

L’objet est inhabituel, son contenu plus encore. Tout y commence en apesanteur. Dans la nuit étoilée ­flottent un homme et une femme. Chacun est raccordé à un énorme sac. Celui de la femme contient une voiture. « Purée, vous avez pris votre voiture, je ne savais pas qu’on avait le droit » , s’étonne-t-il. « Bah, c’est un objet » , lui répond-elle.

Le Royaume ouvre ses portes. Bienvenue au paradis de l’absurde, où la mort règne en Monsieur Loyal. Des morts, il y en a en pagaille. Elles s’enchaînent, se recoupent. Des moineaux attaquent, un bus écrase, un aplatisseur aplatit, une guillotine tranche, un camion emboutit… Danseuses, famille, sportif, amoureux y laissent leur peau. Ils la retrouvent, ailleurs, sur fond de ciel noir ou de comité d’accueil. Reste à faire ­passer le temps, ou plutôt l’éternité. Les situations sont drôles, cruelles, toujours inattendues, qu’elles touchent à la lune ou à Mozart. Ruppert et Mulot ont détrôné la grande faucheuse pour régner en maîtres sur son royaume.

Culture
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