Un vote attrape-tout

Le Front national a su agréger les votes d’adhésion et les votes de protestation, des déçus de droite comme de gauche, tout en profitant de la forte abstention.

Michel Soudais  • 31 mars 2011 abonné·es

Dans les 394 cantons où le FN était présent en duel, le parti de Marine Le Pen enregistre un gain de 283 000 suffrages par rapport au 1er tour, soit une progression de près de 50 %, a calculé l’Ifop. La surprise vient du fait qu’il progresse autant face à la gauche (+ 10,6 points en moyenne) que face à la droite (+10,9 points), montrant ainsi une capacité à attirer des électeurs de toutes tendances, y compris les abstentionnistes du 1er tour, sur un « vote contre ». Ce vote protestataire ne doit pas masquer les enseignements du 1er tour. Le FN y obtient un score élevé – 15,06 % – tout en perdant 111 000 voix par rapport au scrutin de 2004. Et malgré l’inscription sur les listes électorales d’1,2 millions de votants potentiels supplémentaires.

L’explication de ce paradoxe est double. Dans un contexte d’abstention élevée, le FN a bénéficié d’une mobilisation plus forte de ses électeurs, qui, pour 71 % d’entre eux, tenaient d’abord compte de la situation politique nationale, quand la moyenne pour les autres partis était de 45 % (1). Le nombre inhabituel de cantons où il était présent au 2e tour reflète moins ses performances électorales que le recul de ses adversaires, en particulier l’UMP. D’où un plus grand nombre de duels avec la gauche (266) qu’avec la droite (126). L’enquête sociologique d’Ipsos [^2] indique que, parmi les électeurs du 20 mars, 72 % de ceux qui avaient voté Jean-Marie Le Pen en 2007 ont à nouveau voté FN. À côté de ce « vote identitaire » fortement mobilisé, le FN a su s’adjoindre un « vote d’assentiment » : l’adhésion relative aux thèmes d’ordre, de sécurité et de nationalisme d’électeurs néanmoins critiques à l’égard du parti d’extrême droite, pour qui le bulletin FN est davantage perçu comme un moyen de pression. 13 % des électeurs de Sarkozy et 32 % de ceux de Villiers l’ont ainsi rejoint à ce scrutin. Enfin, ses bons scores parmi les ouvriers (24 %), les employés (18 %), les chômeurs (23 %), les jeunes actifs (18 % chez les 18-24 ans mais 7 % parmi les étudiants) et les ménages modestes (22 %) traduisent l’importance d’un « vote malaise » qui se nourrit de la crise économique et sociale.

[^2]: Enquête Ipsos en ligne sur un échantillon de 7 563 personnes, du 14 au 18 mars.

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FN : les racines du mal
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