Amours pastiches

Mood Indigo, de Mamadou N’Dongo, passe de l’intime au politique avec ironie.

Anaïs Heluin  • 21 avril 2011 abonné·es

Entre scandale politique et passion amoureuse, il y a pour l’écrivain Mamadou Mahmoud N’Dongo une parfaite analogie. Ces phénomènes extrêmes, il les traite par la marge, par des réalités souvent cachées. La Géométrie des variables , son précédent roman, suivait une narration singulière pour traiter de l’ombre qui croît dans les replis de l’histoire. Avec bonheur, il la déploie à nouveau dans Mood Indigo, un florilège d’histoires décousues, elliptiques, plus qu’un recueil de nouvelles traditionnel.

Dénué de tout lyrisme, d’une étonnante neutralité stylistique, le texte déçoit l’horizon d’attente créé par le sous-titre, « Improvisations amou­reuses » . C’est que, loin de délaisser son goût pour la critique du politique, l’auteur s’y adonne ici en passant par l’objet qui, a priori, en est le plus éloigné : l’intime. Idylles mort-nées et romances réduites à un vague souvenir composent la vie sentimentale de protagonistes hébétés, occupés à disserter pour remplir le vide. Sans vraiment y parvenir. Car, par un recours massif à la citation, à des références culturelles diverses, le romancier parasite les conversations des couples par des tiers.

Grâce à ce procédé, se dessine une manipulation du langage qui reste toujours implicite. Et nourrie d’ironie. Entre les textes fragmentés, le romancier ­semble se moquer de ses personnages, dépossédés de leur parole, victimes sans doute d’une aliénation programmée par les plus hautes sphères du pouvoir. Roland Barthes disait les Fragments d’un discours amou­reux coupés du gouvernement, des sciences et des arts ; ils sont ici reliés. Quel meilleur acte de foi dans le logos que d’en ­déplorer l’usurpation ?

Culture
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