La fille d’à côté

Matthias Picard dessine le parcours chaotique d’une prostituée.

Marion Dumand  • 5 mai 2011 abonné·es

Des poupées russes à l’envers. De la plus petite à la plus grande. Jeanine se lit ainsi. Jeanine , dite aussi Isa la Suédoise pour cause de perruque blonde, attend les clients, à l’abri et en voiture, juste au pied de son immeuble. La porte à côté est celle de Matthias Picard, jeune dessinateur de bande dessinée. C’est lui qui, discret et perspicace, nous ouvre les portes de cette vie qui en enchâsse tant. Il nous les livre sans souci de chronologie, dans une parole qui bondit au fil des rencontres.

Algérie française, taule allemande, trottoir sur Riviera ou rencontre à l’ONU… On va de surprise en surprise, à tel point que le doute s’insinue. Est-ce bien possible, tant de péripéties? Le lecteur s’interroge, Matthias aussi, mais, ensemble, nous finissons par croire Jeanine. De coups de tête en coups du sort, son chemin cahotique épate.

Héroïne, Jeanine l’est très vite, presque à son corps défendant. La jeune fille pauvre, maigrelette et bigleuse, sauve un militaire de la noyade, puis deux enfants lors de la manif pro-Algérie française. La prostitution est, elle, un fruit hybride. Les parents en galère, un premier amant pas ragoûtant et un « c’est combien? » mal placé. L’impulsion fera le reste. Comme souvent dans son parcours : qu’elle écrive à Valéry Giscard d’Estaing ou décide de financer des boat people cambodgiens. Ni Pretty Woman ni mère Teresa, Jeanine a un caniche blanc et les neuf vies du chat.

Culture
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