« Le G8 n’intéresse plus grand monde »

Près de 7 000 manifestants ont défilé samedi contre le prochain sommet du G8 dans les rues du Havre. Cette mobilisation plus régionale qu’internationale satisfait toutefois les organisateurs.

Michel Soudais  • 26 mai 2011 abonné·es
« Le G8 n’intéresse plus grand monde »
© Photo: M. soudais

En prélude au G8, qui se tient cette fin de semaine à Deauville (Calvados), les altermondialistes ont manifesté samedi dernier dans les rues du Havre (Seine-Maritime). Un cortège coloré et bon enfant a arpenté deux heures durant les rues de la cité portuaire, que la psychose des autorités avait transformée en ville morte. La sous-préfecture et la mairie UMP avaient convaincu les commerçants de tirer leurs rideaux, et les habitants de se tenir à l’écart des hordes de casseurs que le rassemblement ne manquerait pas, selon eux, d’attirer. En guise de horde, trois douzaines de perturbateurs encapuchonnés avaient fait le déplacement. Et, hormis quelques vitrines brisées – celles d’une agence LCL, d’une mutuelle de santé et d’un bureau annexe de La Poste – en fin de parcours, la manifestation s’est déroulée sans incident, sous un soleil estival.

La banderole de tête, inspirée du mot d’ordre des révolutions arabes, « G 8 dégage ! Les peuples d’abord, pas la finance ! » , donnait le ton du cortège. Derrière, les tambours et percussions des batucadas rappelaient que l’on était bien dans un défilé altermondialiste. Comme les appels du Mouvement de la paix à mondialiser la paix, ou du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) à aider l’argent à quitter les paradis fiscaux. En recouvrant les panneaux ­publicitaires de draps blancs, les décroissants ajoutaient une touche espiègle à ce rassemblement plus régional qu’international. Malgré quelques délégations de Grande-Bretagne, d’Inde ou du Japon, sans oublier les Belges du Parti socialiste de lutte, une formation trotskiste, les militants venus d’autres pays étaient rares ; seuls des Tunisiens se sont vraiment fait entendre. Et les slogans entendus, dont le très classique « tout est à nous, rien n’est à eux » , étaient semblables à ceux des manifs du 1er mai : « Les vieux dans la misère, les jeunes précaires, on n’en veut pas, de ce monde-là. Expulsion de tous les milliardaires ! » « Ils ferment les usines, ils ferment les écoles. Y en a ras l’bol de ces guignols ! »

Appelée par 34 syndicats (CGT, Solidaires, CFDT, FSU, CNT), associations (Attac, LDH…) et partis politiques (EELV, PCF, PG, GU, Alternatifs, NPA…), cette manifestation anti-G8 a rassemblé tout au plus 7 000 personnes. Une mobilisation modeste qui ne s’explique pas seulement par le climat de peur entretenu par les autorités. Dans le défilé, des syndicalistes locaux reconnaissaient avoir eu du mal à ­mobiliser en raison de la crainte de débordements. « L’échec du mouvement sur les retraites pèse sur le travail de remobilisation » , avance de son côté Christine Poupin, porte-parole nationale du NPA, dont le cortège était le plus fourni des organisations politiques. Mais, pour beaucoup, les débats du G8 paraissent éloignés des préoccupations de leurs militants. « L’idée que les puissants de ce monde se réunissent pour chercher des solutions ne marche plus ; leur réunion est perçue comme un non-événement et n’intéresse plus grand monde » , résume Annick Coupé, porte-parole de Solidaires. Contrairement aux prévisions, Nicolas Sarkozy n’a guère fait de battage sur le rendez-vous de Deauville, contribuant un peu plus à cette indifférence.

Pour autant, les organisateurs affichaient tous, ce week-end, leur satisfaction. « Nous avons atteint nos objectifs » , assurait samedi soir Christian Pigeon, un militant syndical havrais membre du collectif anti-G8 qui s’est constitué fin février pour l’occasion. Le comité de lutte – exemplaire pour beaucoup – qui s’était constitué dans cette ville industrieuse lors du mouvement des retraites en a été la cheville ouvrière. Avoir permis de « rassembler une grande diversité d’acteurs contre la mondialisation et de toutes générations » donne à ce collectif havrais « une crédibilité pour l’avenir » , souligne Annick Coupé.

Ce brassage, que l’on devinait déjà dans la rue le samedi, était plus palpable encore dans les forums des alternatives organisés le dimanche. Les discussions y étaient animées. Et parfois vives. Notamment sur la question énergétique, dans un atelier qui réunissait des syndicalistes et des antinucléaires. « Cela permet une rencontre entre le monde ouvrier réel et des écolos   », se félicite Christine Poupin, qui voit dans ce type de confrontation « un des grands acquis du mouvement altermondialiste » . « Cela ne produit pas de mobilisation immédiate, mais cela contribue à une vision du monde un peu partagée » , conclut Annick Coupé.

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