Le retour de la gauche de gauche !

Appelés aux urnes pour le premier tour des élections municipales, les Italiens se sont largement tournés vers la gauche et souvent même la gauche de la gauche. Un revers pour Berlusconi, qui pourrait annoncer son déclin.

Olivier Doubre  • 19 mai 2011 abonné·es

La gauche italienne, et plus particulièrement la gauche de (la) gauche, traversait depuis plusieurs années une crise profonde face à une droite berlusconienne qui semblait, malgré toutes les frasques de son leader, conserver les faveurs d’une majorité de l’opinion. Au lendemain du premier tour des élections municipales qui se sont tenues les 15 et 16 mai derniers, dans de nombreuses grandes villes de la péninsule, il n’en a pas été ainsi, et certains observateurs politiques osent même parler d’un possible début de déclin pour Berlusconi et le « berlusconisme » en général.

Tous avaient évidemment les yeux braqués sur Milan et sa maire sortante, Letizia Moratti, ancienne ministre de l’Instruction publique du Cavaliere xx et fille du milliardaire propriétaire de l’Inter de Milan, qui se représentait. Silvio Berlusconi a fait de cette élection un test national en se présentant lui-même comme tête de liste. Habituée à l’emporter au premier tour dans la ville du président du Conseil, Letizia Moratti se trouve (avec 41,6 % des voix) mise sèchement en ballottage par le candidat de gauche, Giuliano Pisapia (48 %), ancien député indépendant apparenté à Rifondazione comunista et responsable de la Commission d’enquête parlementaire sur les violences policières du G8 de Gênes en 2001. Et c’est là sans doute l’autre grand enseignement de ce premier tour des municipales : la poussée de la gauche n’est pas celle du très pâle Parti démocrate (PD) – toujours hésitant dans une opposition trop molle à Berlusconi et regardant sans cesse au centre –, mais bien celle de la gauche de (la) gauche. Une poussée qui avait déjà été pressentie dès les primaires pour désigner les candidats, où Pisapia, à Milan, était arrivé en tête devant le candidat du PD.

Si ce parti l’emporte bien à Turin dès le premier tour avec plus de 56 % des voix, il a eu bien du mal à faire de même dans son autre (et principal) bastion, Bologne, où il atteint tout juste 50,5 % des suffrages. Autre signe de la désaffection relative pour le PD : à Naples, alors que son candidat avait remporté les primaires, on apprit bientôt que des malversations avaient eu lieu, conduisant Luigi De Magistris, ancien procureur très engagé contre la mafia, qui concourait pour la gauche de gauche, à maintenir sa candidature. Celui-ci arrive finalement, face à un candidat de droite (à 38,5 %) ayant sans doute fait le plein de ses voix, largement en tête à gauche, avec 27,5 % des voix contre 19,2 % au PD. Donc en bonne posture pour le second tour. En Sardaigne, enfin, dans la capitale régionale Cagliari, là aussi le candidat de la gauche de gauche, arrivé en tête aux primaires, se prend à rêver, avec ses 45,1 %, de détrôner le maire de droite qui obtient 44,7 %.

Ce sont donc de très bonnes nouvelles pour une gauche de gauche chassée du Parlement en 2008, et qui vont de pair avec le net recul du parti de Silvio Berlusconi, mais aussi celui de son principal allié, la Ligue du Nord, qui semble payer sa présence au gouvernement sans avoir réalisé beaucoup de son programme. Nul doute que les résultats de ces élections locales, s’ils venaient à se confirmer au second tour, devraient avoir des conséquences au niveau national sur la majorité de Berlusconi.

Politique
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