Cinéfille-mère

Belleville Tokyo ,
premier film d’Élise Girard,
met en scène une femme
enceinte dont l’homme s’en va.

Christophe Kantcheff  • 2 juin 2011 abonné·es

Le téléphone portable pose des problèmes aux scénaristes. Certaines situations, pourtant sources de romanesque, sont devenues quasi impossibles : par exemple, un rendez-vous raté. Aujourd’hui, on appelle sur le portable pour dire qu’on aura du retard, un empêchement…

Dans Belleville Tokyo , Julien (Jérémie Elkaïm), marié à Marie (Valérie Donzelli), en phase de quitter sa femme depuis qu’elle est enceinte, se trouve devant la porte de celle-ci, regarde sa montre, l’attend en vain, et finalement repart. Il n’essaie pas de l’appeler pour savoir où elle est, alors qu’on sait qu’il possède un portable – il s’en est servi au début du film ; on apprendra plus tard qu’elle aussi en a un.

Un détail, dira-t-on. Pas tant que cela, le téléphone jouant un certain rôle dans l’intrigue. Alors, choix assumé d’Élise Girard, qui signe ici son premier long-métrage de fiction, ou commodité ? De la même façon, Marie travaille dans un cinéma, Les Action, à Paris, qui ne programme que des classiques, et dont les deux responsables (Philippe Nahon et Jean-Christophe Bouvet) fonctionnent à l’ancienne (les Action, véritable « institution » cinéphilique, existent réellement, auxquels Élise Girard a précédemment consacré un documentaire). Le cinéma entrepose même plusieurs copies 35 mm qui, dans le film, ne sont pas à l’abri d’une inondation. Est-ce la réalité ou une invention ? Peu importe. On est en tout cas loin des problèmes nouveaux que rencontrent les ­exploitants de salles aujourd’hui, en particulier avec le numérique.

Ces options scénaristiques, ajoutées à quelques autres, confèrent à Belleville Tokyo un petit côté daté, dont on peut se demander s’il est vraiment délibéré. De même, on n’est pas tout à fait sûr que le film s’assume comme une comédie, ayant pour sujet la séparation douloureuse d’une femme et d’un homme qui attendent un enfant. Ce sont pourtant les scènes humoristiques, les reparties saugrenues dont la cinéaste a émaillé son film, qui font mouche et brisent opportunément la distance trop grande qui sépare le spectateur du désarroi des personnages, en particulier celui de Julien, dont l’interprétation « blanche » de Jérémie Elkaïm accuse le manque d’incarnation.

Bref, Belleville Tokyo n’est pas un film sans charme, mais il est trop retenu, contraint entre un souci de réalisme et des audaces qui demanderaient une prise de liberté plus grande. Ce sera peut-être pour le prochain. Élise Girard annonce, dans le dossier de presse, qu’elle travaille à une comédie. À voir ce que contient Belleville Tokyo comme promesses, ce n’est pas une mauvaise idée.

Culture
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