Les écologistes choisissent la stabilité

Europe Écologie-Les Verts tenait dimanche son congrès régional en Île-de-France. La motion de Cécile Duflot a emporté plus de 50 % des votes des militants. La secrétaire nationale peut aborder sereinement les prochaines échéances politiques.

Patrick Piro  • 2 juin 2011 abonné·es
Les écologistes choisissent  la stabilité
© Photo : AFP / Pachoud

Cécile Duflot est assurée de se succéder au poste de secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts (EELV). Le vote définitif, qui aura lieu samedi 4 juin à La Rochelle lors du congrès fédéral du parti, le premier depuis sa naissance officielle en novembre 2010, ne sera qu’une formalité : la motion qu’elle conduit a très largement dominé le scrutin préliminaire des assemblées régionales réunies dimanche dernier. Avec 50,2 % des voix des militants, elle obtient même la majorité absolue, devant la motion défendue par Dany Cohn-Bendit, qui n’en recueille que 26,6 %. Le courant de la gauche du parti, représenté par la motion Envie de Jérôme Gleize, fait bonne figure avec 18,9 % des voix. Objectif Terre, mené par Pierre Lucot, totalise 4,3 %.

On prend la même et on recommence ? Sous les apparences d’une banale continuité, ce vote livre plusieurs enseignements sur l’état du mouvement écologiste.

Il témoigne d’abord d’une volonté de stabilité nouvelle de la part des militants. Pour la première fois depuis au moins quinze ans, la hiérarchie des forces issue du congrès écologiste ne fera pas l’ombre d’une spéculation dans la semaine qui sépare le vote en régions des arrangements du congrès fédéral [^2]. Jean-Vincent Placé, actuel numéro 2 de la direction d’EELV, souligne que la motion arrivée en tête n’avait jusqu’alors jamais dépassé 32 % des voix.

« Ce résultat est une surprise, notamment en Île-de-France, où Dany Cohn-Bendit semblaient en mesure de placer sa motion en tête » , reconnaît Patrick Farbiaz, secrétaire du groupe EELV de Paris XXe. Cette région, qui concentre le quart des militants écologistes, a cependant voté comme la moyenne nationale. Ce congrès a également fait l’économie des affrontements de courants qui pimentaient les éditions précédentes. « Les militants ont signifié qu’ils veulent engager une nouvelle étape, apparaître en capacité de négocier une bonne alliance à gauche, obtenir plusieurs dizaines d’élus dans les prochaines assemblées parlementaires, peser sur des questions importantes comme la sortie du nucléaire, etc. »

L’eurodéputé Yannick Jadot déplore cependant un modeste taux de participation de 46 % [^3], qui ne tranche pourtant pas avec les précédentes consultations de congrès. Ce soutien de Daniel Cohn-Bendit y voit un « échec collectif » qu’il impute largement à l’actuelle direction. « Certes, notre motion n’a pas mobilisé autant que nous l’avions espéré. Mais alors qu’il s’agit d’un congrès fondateur, nombre d’adhérents, qui ne le sont que de fraîche date, avaient pour perspective de faire jusqu’à 150 km pour aller voter parce que le scrutin électronique n’a pas été approuvé. Ce qui s’est passé dimanche dernier n’est pas un bon signe pour notre démocratie interne. Il sera de la responsabilité des amis de Cécile Duflot de garantir la poursuite de l’ouverture du mouvement. »

Cependant, il est indéniable que de nombreux nouveaux venus n’ont pas non plus été séduits par l’opération lancée par Dany Cohn-Bendit (voir décryptage ci-contre). Pascal Durand, l’une des principales chevilles ouvrières de l’essor d’Europe Écologie avant le mariage avec les Verts, était numéro deux sur la motion Duflot.

Celle qui s’apprête à inaugurer son troisième mandat depuis 2006, une série inédite chez les écologistes, n’est jamais apparue dans une position aussi forte au sein du parti. Les écologistes tiennent en tout cas une occasion rare d’aborder les prochaines échéances politiques avec une direction plus cohérente que par le passé. Un seul véritable enjeu pour La Rochelle : Cécile Duflot parviendra-t-elle, avec ses amis, à susciter la fusion des motions ? Ce n’est pas une nécessité mathématique, mais politique, et les vainqueurs de dimanche ont rapidement affiché leur volonté d’unité et de rassemblement. « Mais sur une ligne politique sans ambiguïté » , prévient Jean-Vincent Placé. Radicalité, autonomie, ancrage à gauche, exigence sur le nucléaire, ouverture du mouvement : la motion du pôle de gauche ne devrait pas avoir de difficultés à se rallier. En revanche, Jean-Vincent Placé attend de la motion Cohn-Bendit une clarification définitive sur un point sensible, « le soutien résolu, et sans clause “de revoyure” à la fin de l’année, à une candidature écologiste au premier tour de la présidentielle de 2012 » , sur lequel le député européen continue d’entretenir le flou. L’avertissement vaut aussi pour le postulant Nicolas Hulot, « dont je pense qu’il précisera sous peu qu’au cas où il remporterait la primaire, il n’envisage pas de se retirer avant le premier tour » , hypothèse qu’il a émise peu après l’annonce de son entrée en campagne début avril.

Dès le 5 juin, la nouvelle direction d’EELV devra en tout cas afficher une stricte neutralité dans la compétition à l’investiture, qui sera achevée avant mi-juillet. Cécile Duflot, au moins par l’entremise de proches, a récemment semblé afficher sa préférence pour Nicolas Hulot (qui a soutenu sa motion), qui s’annonce un meilleur collecteur de voix qu’Eva Joly (proche de Cohn-Bendit) même s’il ne la distance pas dans les scénarios des sondeurs.
Jean-Vincent Placé promet aussi de garder le silence pendant la primaire, bien qu’il ait exclu de faire partie de la prochaine direction d’EELV. Cécile Duflot devrait cependant se l’attacher comme chargé de mission spéciale. Mais Jean-Vincent Placé, habile homme d’appareil au service des ambitions de la secrétaire nationale depuis huit ans, entend désormais se consacrer surtout « à mettre en avant ses propres idées » . Candidat à un poste de sénateur, il veut réfléchir aux questions de sécurité, institutionnelles et fiscales. Des dossiers qui ne lui préparent pas un rôle de figurant pour 2012.

[^2]: Quatre motions seulement étaient en lice, contre six à Lille en 2008, huit à Bordeaux en 2006, etc.

[^3]: Environ 6 600 votants sur près de 14 200 inscrits, contre 7 200 pour le congrès de Lille en 2008.

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