La crise sanitaire s’aggrave

Dans l’enquête « Parias, les Roms en France », Médecins du monde dénonce une politique migratoire à l’égard des Roms fondée sur « l’intention de nuire ». Extraits.

Ingrid Merckx  • 28 juillet 2011 abonné·es

Veille sanitaire, périnatalité, orientation vers le droit commun, aide à la scolarisation des enfants, démarches pour améliorer les conditions d’hygiène sur les terrains des communes… Les équipes de Médecins du monde (MDM) travaillent auprès des Roms depuis quinze ans. Aujourd’hui, révèle l’enquête « Parias, les Roms en France » parue le 26 juillet, elles doivent mettre en place des dispositifs habituellement utilisés dans les programmes internationaux d’urgence humanitaire : camps de déplacés, hygiène de base, accès à l’eau potable et vaccination de masse.
En 2010, elles ont réalisé 7 000 interventions auprès de 4 000 personnes et plus de 4 200 consultations médicales. Leurs observations montrent à quel point la situation des Roms en France s’est aggravée et « génère des crises sanitaires et des difficultés pour répondre aux besoins les plus élémentaires ». 



Depuis le discours de Grenoble, la faim…
 « Les procédures d’expulsions et les intimidations policières ont eu un réel effet sur la précarisation des populations : changement de lieux de vie dans l’urgence, insalubrité et surpopulation des nouveaux squats, perte des effets personnels et des documents officiels, limitation des déplacements, perte des revenus… Les familles sont souvent demandeuses de soins.  […] Mais, depuis un an, tout notre travail d’accès aux soins et au droit commun (PMI, hôpital, école et AME) est très difficile, leur priorité est la survie… Et les équipes ont revu au printemps ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps : des personnes qui ne mangeaient pas à leur faim … »



Un ghetto de Roms en Roumanie ? Après le mur de Berlin et le mur de Gaza, le mur de Baia Mare ? Catalin Chereches, le maire de cette commune du nord de la Roumanie, a décidé d’isoler du reste de la ville les quelques tours HLM où des familles Roms ont trouvé refuge. La construction est en béton et non en bois « pour que des gens ne s’en servent pas pour faire du feu ». Ce projet n’est pas discriminatoire, selon lui, mais censé protéger les Roms de la circulation. De l’autre côté de la muraille, pas d’eau courante, pas de sanitaires, d’après un reporter du Monde (20 juillet). Il y aurait entre 550 000 et 2,5 millions de Roms en Roumanie, ce qui en fait la plus grosse minorité d’Europe. La majorité des enfants ne savent ni lire ni écrire.
Des boucs émissaires « autorisés »
 « Les Roms sont toujours considérés comme des citoyens de seconde zone en France, perçus par les pouvoirs publics non plus comme des personnes en grande précarité mais, par un effet de glissement, comme une menace. […] La pression et les intimidations policières se sont encore renforcées et les Roms sont devenus en quelque sorte des boucs émissaires “autorisés”. » 
Les équipes de MDM rencontrent souvent des familles qui ont été expulsées six fois au cours des six derniers mois, sans proposition de relogement. Les expulsions éloignent du système de soins, entraînent des ruptures de traitement, entravent la prévention des épidémies. Les Roms relèvent de l’aide médicale d’État (AME). « Depuis le 1er mars, un droit d’entrée de 30 euros est désormais demandé, rendant ce dispositif quasi inopérant », insiste MDM. 77 % des Roms rencontrés par l’organisation n’avaient pas ouvert de droits à l’AME. « On assiste depuis quelques mois à l’émergence d’une nouvelle approche en matière de politique migratoire fondée sur l’intention de nuire. »


Des indicateurs de santé en berne
 D’après l’enquête de MDM, seule une femme sur dix est suivie pendant sa grossesse et une sur dix bénéficie d’une contraception. La mortalité néonatale est neuf fois plus importante que la moyenne. Le nombre de cas de tuberculose diagnostiquée est « extrêmement élevé ». 



Conditions de vie pathogènes
 Les Roms vivent «  dans des bidonvilles ou des squats, dans des caravanes délabrées ou des cabanes […]. L’absence d’eau potable, de toilettes et de ramassage des déchets sur la majeure partie des terrains engendre des problèmes d’hygiène avec des pathologies dermatologiques et digestives potentiellement graves… » À quoi s’ajoutent des risques d’incendie, d’effondrement, d’intoxication, mais aussi de saturnisme et d’épidémies (tuberculose, coqueluche, rougeole).



Couverture vaccinale
 MDM a réalisé en 2010-2011 la première étude épidémiologique sur la couverture vaccinale des Roms. Seuls 8 % ont un carnet de santé confirmant que leurs vaccins sont à jour. « La majorité n’est donc pas couverte par les vaccins les plus courants, obligatoires ou recommandés. » 91 % accepteraient de mettre à jour leurs vaccinations.

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