Le meilleur du off

L’absurdité contemporaine de Sylvain Levey, l’ironie de Chateaubriand et l’humour trash de Jeanne Béziers.

Gilles Costaz  • 14 juillet 2011 abonné·es

Au pays des (Asphalt Jungle, saison 2)

Ayant créé l’an dernier une pièce du romancier Sylvain Levey, le théâtre du Rictus, installé à Ancenis et à Nantes, a commandé un nouveau texte à cet auteur. C’est un ­deuxième volet, qu’on peut voir séparément, sur le monde de l’entreprise.

Au premier plan, des cadres parlent entre eux du travail à mener, mais cherchent surtout à persécuter l’un des leurs, à l’humilier et à le mettre sur la touche. Au deuxième plan, des employés bavardent dans un vestiaire qui a d’autant plus d’importance que tous sont costumés et ôtent là leur tenue de travail : ils jouent les canards et les lapins dans une sorte de Disneyland (mais la société n’est jamais nommée). En troisième plan, un écran montre ce que filme une caméra de surveillance. Au spectateur de recoller les morceaux qui sont donnés dans un certain désordre chronologique : le suicide d’un cadre dans ce vestiaire où les employés se plaignent de cette mort salissante pour leurs habits et déplaisante pour le climat qui règne dans l’entreprise.

La mise en scène de Laurent Maindon utilise chacun de ces plans de l’histoire avec la même acuité. Six acteurs, parmi lesquels Ghyslain Del Pino et Laurence Huby, trouvent en glaçant le spectateur le ton de ce réalisme tranchant qui casse les miroirs habituels de la réalité.

Grenier à sel, 20 h 30.

Mémoires d’outre-tombe

Jean-Paul Farré, connu comme grand clown musical, se risque à interpréter le vicomte de Chateaubriand ! Parmi des caisses d’objets et de documents à ranger
– soit le bric-à-brac d’un homme qui, à la fin de sa vie, sauve un peu de sa splendeur perdue –, l’écrivain se met à égrener un certain nombre de souvenirs : ses relations orageuses avec Napoléon, sa passion de l’Amérique, son amour des femmes…

Mis en scène par Jean-Luc Tardieu, Farré cherche surtout à faire sonner différemment la prose du grand styliste et à lui rendre l’éclat du journalisme polémique. C’est savoureux à deux étages : Chateaubriand se moque de ses contemporains, et Farré se moque de Chateaubriand quand celui-ci ne sait pas se moquer de lui-même. Sous la prosodie, l’ironie. Bien vu, bien joué.

Chêne noir, 17 h 30.

Monstres, songes & songs

Jeanne Béziers, à cheval entre la chanson et le théâtre, manie la provocation et la tendresse, le fantastique et la réalité, le jeu de mots et le cri sensible. Elle est un peu trash, un peu hard, avec une maîtrise du langage, de la musique et de la voix qui surclasse tant de personnages fabriqués par le show-biz. Elle est drôle et bizarre, avec une sacrée classe.

Le Grand Pavois, 20 h 35.

Culture
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