« Au revoir » : Harcèlement iranien

Avec Au revoir, Mohammad Rasoulof signe un film impeccable sur les méthodes de la dictature iranienne.

Christophe Kantcheff  • 8 septembre 2011 abonné·es

Comme Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof a été condamné fin 2010 à six ans de prison et vingt ans d’interdiction de tourner par la justice de son pays, l’Iran. Tous deux ont fait appel de leur jugement, un autre procès aura lieu.


Entre-temps, l’un comme l’autre ont réussi à réaliser un film. Après avoir été présentés à Cannes, Ceci n’est pas un film, de Jafar Panahi, sortira le 28 septembre ; Au revoir, de Mohammad Rasoulof, est cette semaine sur les écrans.


Même si, avec obstination, Mohammad Rasoulof est parvenu à décrocher une autorisation de tourner — pour éviter d’avoir à revivre le moment tragique où lui-même et toute son équipe avaient été arrêtés en plein tournage –, il aura fallu des conditions exceptionnelles pour réaliser Au revoir, d’autant plus qu’il s’agit d’une fiction.


En particulier, les comédiens et les techniciens qui ont accepté d’y participer l’ont fait non sans courage, et gracieusement. Et il n’est pas du tout certain qu’ Au revoir obtienne un visa d’exploitation en Iran.


Mohammad Rasoulof y raconte l’histoire de Noura, une jeune femme avocate (interprétée par la ­splendide Layla Zareh) à qui on vient de retirer la licence. La raison n’en est pas donnée explicitement : il semble qu’elle se soit occupée de cas qui concernaient les droits de l’homme, et sans doute aussi parce que son mari journaliste, parti se mettre au vert dans le sud du pays, a écrit des articles dérangeants.


Cherchant à s’exiler, elle se plie au stratagème d’un directeur d’agence de voyages, qui restera toujours hors champ : enceinte, elle doit s’arranger pour accoucher lors d’un bref séjour à l’étranger. Mais Noura est écartelée entre son désir de partir et cette maternité instrumentalisée.


À l’image de l’appartement aux tons gris bleu de Noura, dont on n’aperçoit presque jamais les fenêtres, Au revoir est un film claustrophobique, à la mise en scène sèche, rigoureuse, implacable. Contrairement à sa petite tortue, qui est retenue dans un bac mais qui disparaît un jour comme par miracle, Noura ne cesse de se confronter aux interdits, aux contraintes, aux tracasseries administratives et aux perquisitions surprises.


Elle est sans cesse renvoyée à sa solitude — personne ne peut rien pour elle –, et pas un seul service, pas une seule demande, ne se fait sans bakchich, aux résultats incertains. Surtout, Noura se trouve en butte à des choix qui signifient autant de sacrifices.
Mohammad Rasoulof signe ici un film sobre, tenu, heureusement plus proche des Dardenne que de Costa-Gavras, sur toutes les formes de violence qu’impose un État autoritaire.

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