Joly, le pari de la différence

La candidate s’est montrée offensive lors des Journées d’été. Acclamée par les militants, elle ne décolle pas dans les sondages. Hulot brille par son absence.

Patrick Piro  • 1 septembre 2011 abonné·es

«Rêvons ! », suggère Cécile Duflot. Dans le ­gymnase Fleury, surchauffé par la canicule qui cuit Clermont-Ferrand ce 20 août, la secrétaire nationale d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) invite les quelque 1 200 militants entassés à interrompre un instant le va-et-vient des éventails improvisés pour brandir leurs dix doigts et signifier le pourcentage espéré au soir du premier tour de la présidentielle pour Eva Joly.


Complaisant, l’auditoire des Journées d’été d’EELV s’enflamme et scande le nom de sa candidate. Tout reste à faire : elle ne décolle pas dans les sondages, stagnant depuis des mois autour de 5 % des intentions.
En interne, la situation se présente pourtant plutôt bien : la direction du parti et la candidate ont été désignées à une large majorité lors du congrès et de la primaire écologiste. Et les quelques remous des Journées d’été (18-20 août) n’ont pas entamé la légitimité d’Eva Joly.


Dany Cohn-Bendit remet toujours en cause l’utilité d’une candidature écologiste, son leitmotiv depuis le printemps, mais en sourdine et en solo : la menace de voir Marine Le Pen au second tour semble s’estomper, et le PS, toujours en tête des intentions, ne verrait pas forcément d’un mauvais œil un bon score d’EELV au premier tour. Eva Joly et la direction du parti ont réaffirmé leur détermination à « aller jusqu’au bout ».


Isolée également, la sortie de Laurence Vichnievsky, récemment nommée porte-parole d’EELV : elle qualifie de « lubie »  [^2]
 le retour à la retraite à 60 ans, pourtant confirmé comme un point dur du programme des écologistes par Eva Joly.


La défection de Nicolas Hulot est bien plus pénalisante. Le battu de la primaire écologiste a boudé Clermont-Ferrand, expliquant vouloir rester « à distance bienveillante » d’EELV. L’appel d’Eva Joly à la tribune —  « Nous avons besoin de ton talent, je sais que je peux compter sur ton soutien »  –, relayé par les militants, est tombé dans le vide. Les amis d’Hulot se sont réunis pour envisager la suite, sans grande conviction faute de connaître la position de l’intéressé, qui « réfléchit » à son avenir politique et s’adressera à eux fin septembre. La semaine dernière, l’ex-animateur a été invité par Nicolas Sarkozy, et le bruit a couru — démenti par Hulot — qu’il pourrait être nommé ambassadeur pour la France au sommet « Rio + 20 » [^3]
.
Autre handicap potentiel pour la candidate écologiste : son profil atypique. Si sa carrière de juge d’instruction lui a offert une petite notoriété publique, elle est peu connue en tant que politique. Son entrée en lice ne remonte qu’aux élections européennes de 2009 en Île-de-France. Elle a amélioré son élocution et gagné un peu de prestance à la tribune, mais elle peste en privé d’avoir perdu de sa fluidité dans la langue française après son retour en Norvège au début des années 2000. « Eva, on te reproche ton accent : tu représenteras ceux qui ne parlent pas notre langue, ceux qui n’osaient pas être représentés, les sans-droits ! », veut convaincre le député Noël Mamère.


Critiquant le défilé militaire du 14 Juillet, la Franco-Norvégienne avait habilement retourné à son avantage la polémique déclenchée par le Premier ministre, François Fillon, qui avait répliqué en incriminant ses origines étrangères [^4]. Cette petite victoire médiatique ne lui a cependant pas rapporté de surcroît de crédit dans les sondages. Aussi compte-t-elle plus sûrement sur le positionnement de son discours. Très offensive à Clermont-Ferrand, elle a établi les priorités de son programme — sortie du nucléaire (non négociable en cas d’accord électoral avec le PS), transition écologique de l’économie, justice pour les populations discriminées, instauration d’une VIe République.


Eva Joly, notoirement intransigeante avec les puissants quand elle était magistrate, a joué sur son registre de prédilection, affirmant sa détermination à lutter contre les injustices et les privilèges fiscaux, ainsi que la corruption, « y compris au plus haut sommet de l’État ». Alors qu’à gauche et au centre on tentera d’apparaître comme le candidat anti-Sarkozy le plus résolu, Eva Joly dispose d’une crédibilité qu’elle tentera de faire fructifier au mieux.


[^2]: Libération, 18 août.

[^3]: Le bilan, deux décennies après, du sommet de la Terre de Rio en 1992.

[^4]: Voir Politis n° 1162.

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