La marche des « indignés » dans le guet-apens policier

Les marcheurs venus d’Espagne et du sud de la France font escale depuis une semaine à Paris, sous étroite surveillance policière. Vendredi 23 septembre, 11 personnes étaient libérées de garde à vue et toujours poursuivies pour « dégradation en réunion ». Reportage à la sortie du tribunal.

Erwan Manac'h  • 23 septembre 2011
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Traits tirés, bras levés vers le ciel, 11 personnes quittent vendredi matin le Palais de justice de Paris. Dehors, la centaine d’ « indignés » venus les accueillir ont été repoussés par la police sur la place du Châtelet, à quelques dizaines de mètres.

Ces manifestants pacifiques se rassemblent sur les places publiques depuis cinq mois en France et dans le monde entier, pour demander une « démocratie réelle ». « Sans-étiquette », de tous âges et toutes professions, ils se regroupent sous la pression constante des forces de l’ordre qui procèdent régulièrement à des interpellations massives pour « contrôle d’identité ».

Mercredi 21 septembre, les participants d’une « assemblée populaire » sur la place de la Bourse, dans IIème arrondissement de la Capitale, ont ainsi été conduits au poste de police par cars entiers. Dans l’un des fourgons, une vitre est tombée sous le tapage de ses occupants : « Cette vitre était mal fixée et déjà cassée, tient à préciser « Iguane » un « indigné » bordelais de 28 ans *. Nous l’avons vu nous-mêmes trois jours plus tôt, lors d’une précédente interpellation. »*

Après deux nuits en garde à vue, 11 personnes ont été libérées ce vendredi avec une convocation au tribunal le 31 octobre pour « dégradation du bien d’autrui commise en réunion. »

Reportage à la sortie du tribunal :

Depuis vendredi 16 septembre, la « marche des indignés » fait escale à Paris. Partis de Toulouse le 24 juillet, de Barcelone et de Madrid le 26 juillet, environ 200 personnes parcourent chaque jour 30 à 40 kilomètres pour rallier Bruxelles, où un rassemblement international est prévu le 15 octobre.

Illustration - La marche des « indignés » dans le guet-apens policier


De gauche à droite : Isabelle, 46 ans, « indignée » parisienne. Elle s’est chargée de la traduction / Hilmar, 36 ans, vénézuélienne / Natalia, barcelonaise de 46 ans.

Hilmar est parti de Girona, dans le nord-est de l’Espagne, à la fin du mois de juillet. Cette Vénézuelienne de 36 ans marche pour recueillir « la parole du peuple » . Les larmes aux yeux, elle évoque sa garde à vue et la « honte des policiers »  :

« Nous sommes venus pour écouter la population et nous avons été enfermés comme des criminels. « Liberté, égalité, fraternité », c’est la devise de la France, pourtant nous ne pouvons pas mener librement notre marche pacifique. Je porte dans ma peau le désir de vérité et de justice et aujourd’hui, je suis plus indignée que jamais. J’ai ressenti de l’humiliation. Non pas pour moi, mais pour la police. J’ai pu lire dans leurs yeux la honte de nous traiter ainsi. Ils n’étaient pas fiers.

Nous ne ressentons pas de fatigue durant notre marche, parce qu’il y a une grande solidarité entre nous. Nous écoutons les problèmes de gens sur notre route. On entend aussi tout ce qui se passe en Espagne, ça nous donne beaucoup d’énergie.

Nous ne quitterons pas Paris tant que nous n’aurons pas pu nous réunir en assemblée populaire. Nous marchons pour écouter les problèmes des gens et imaginer des solutions. Et le plus grand problème que nous avons rencontré, c’est l’absence de liberté d’expression. Où est la liberté de s’exprimer en France ? Où est la liberté de vivre dans ce pays ? Moi je demande aux Français s’ils veulent vivre dans un système qui ne les représente pas. Un système qui ne leur laisse pas de liberté, qui les prive du droit à la parole. Nous voulons que les choses changent. Nous ne voulons pas d’un système aussi injuste. »

Photo : citizenside.com
Société
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