Le droit du travail congédié

Le programme commun du Medef et de la droite consiste à supprimer la protection spécifique du salariat. La députée Martine Billard le démontre dans un ouvrage.

Thierry Brun  • 8 septembre 2011 abonné·es

Quand le gouvernement s’attaque au droit du travail, cela donne en dix ans pas moins de vingt-cinq lois, pour répondre à cette « ardente obligation de moderniser le code du travail » souhaitée par le Medef. « La droite nous dit qu’on fait de l’idéologie quand nous affirmons que le gouvernement applique les propositions du Medef », proteste la députée du Parti de gauche Martine Billard. 


Membre de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, la députée s’est attachée à démontrer dans un livre, documents à l’appui, la parfaite connivence qui existe entre les revendications de l’organisation patronale et la politique de la droite en matière de droit social.


Point de départ de cette enquête, un document publié en mars 2004, intitulé : « Moderniser le code du travail : les 44 propositions du Medef », qui s’inspire très largement d’un rapport de Michel de Virville, alors secrétaire général du groupe Renault, commandé par le ministre du Travail de l’époque, un certain François Fillon. 
Ce programme commun du Medef et de la droite marque un véritable tournant dans le comportement du patronat français. « La moitié des quarante-quatre propositions ont été transcrites dans les lois et correspondent aux exigences portées aussi par la Commission européenne », constate Martine Billard, qui décrit des « exigences régulièrement reprises par l’UMP à l’Assemblée ».


Ainsi, la volonté est quasi permanente d’aller vers un contrat de travail individuel relevant du code civil, avec pour objectif de supprimer toute protection spécifique aux 16 millions de salariés en France.


L’édifice du code du travail est démantelé progressivement. Dès 2004, une loi « relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social » inverse la « hiérarchie des normes », trame du droit social depuis la Libération, dans les accords collectifs. Ce qui fait que des accords d’entreprise ou d’établissement peuvent se révéler moins favorables aux salariés que des accords de branche.

Les 35 heures sont taillées en pièces, les droits des chômeurs et des précaires aussi, avec notamment la création du revenu minimum d’activité. On allonge le contingent annuel d’heures supplémentaires, puis on crée un système d’exonération. Enfin, on déroge au repos dominical, et le contrat de travail à durée indéterminée n’est plus la norme tant il y a, là aussi, de dérogations et de contrats précaires. Le fin du fin est la « rupture conventionnelle », une séparation à l’amiable entre employeur et salarié, créant une « flexicurité à la française » très défavorable aux salariés, mais réclamée à cor et à cri par le Medef.


Surtout, Martine Billard met en évidence les méthodes qui ont été utilisées pour l’adoption de ces lois : « En neuf ans, presque tous les projets de loi modifiant le code du travail ont été présentés dans le cadre de la procédure d’urgence, sans aucune négociation préalable avec les partenaires sociaux, les gouvernements se contentant de vagues concertations mises en scène en grande pompe. » Au nom de cette urgence, les procédures accélérées, le recours à des cavaliers législatifs, à des dépôts d’amendement gouvernemental, ont porté un rude coup à la démocratie.

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