Tueur d’Oslo : l’influence américaine

Dans son manifeste, Anders Breivik cite des penseurs états-uniens qui ont forgé ses convictions. Les spécialistes y décèlent aussi l’influence du célèbre « Unabomber ». Par Alexis Buisson (New York).

Alexis Buisson  • 1 septembre 2011 abonné·es
Tueur d’Oslo : l’influence américaine
© Photo : AFP / Galbraith

«J ’étais extrêmement surprise.  » Heidi Beirich, spécialiste des groupes extrémistes à l’association Southern Poverty Law Center, a découvert à la lecture du manifeste d’Anders Breivik, le tueur d’Oslo, que «  ses plus grandes influences sont des auteurs américains anti-islamiques  ».


Aspect méconnu de la tragédie norvégienne, ces références prouvent que les États-Unis sont bel et bien une terre d’inspiration pour les éléments extrémistes en Europe. Réalité qui s’explique par le dynamisme actuel des groupes radicaux outre-Atlantique.


Entre 2000 et 2009, le nombre de groupe propagateurs de messages de haine a augmenté de 54 %, conséquence de la montée en puissance du débat sur l’immigration, de la crise et de l’élection d’un président afro-américain à la Maison Blanche. Prolifération qui s’explique également par l’essor de nouveaux moyens de communication et d’échange de l’information, comme Facebook et Twitter.


Parmi les références américaines d’Anders Breivik, on trouve Pamela Geller, New-Yorkaise aux allures de femme fatale qui tient un blog très suivi, « Atlas Shrugs », qu’elle alimente en écrits ­anti-musulmans. Elle s’est illustrée en 2010 en organisant, par l’intermédiaire de son groupe Stop Islamization of America, la mobilisation contre la « mosquée de Ground Zero » à New York. Sa rhétorique radicale et son charisme ont inspiré d’autres manifestations antimosquées l’an dernier à travers le pays. Dans son manifeste, Breivik la considère comme « respectable ».

Le nom de Diana West apparaît également. West est une chroniqueuse conservatrice pour plusieurs journaux américains comme le Wall Street Journal et le Washington Times. Comme Geller, elle est connue pour sa méfiance, voire son rejet, à l’égard de l’islam. Son livre la Mort des adultes a pour sous-titre : Comment le développement arrêté de l’Amérique entraîne la civilisation occidentale vers le bas. Elle y regrette un changement de valeurs au sein de la société américaine qui, dit-elle, laisse la porte ouverte à une dangereuse islamisation du pays.


Breivik cite encore deux noms connus des spécialistes des extrémistes américains : Brett Stevens et Robert Spencer. Stevens est un blogueur dont le fonds de commerce est la critique de l’égalitarisme. Dans un post de 2009 que Breivik reproduit dans son manifeste, l’Américain souligne que l’illusion de l’égalité dans une société où les individus sont inégaux aboutit à des frustrations et à des dysfonctionnements sociaux.


Cité pas moins de 150 fois par Breivik, Robert Spencer est une figure moins polarisante. Ce ­spécialiste de l’islam est l’auteur d’une dizaine de livres sur le jihad et la pensée islamique, dont deux ­best-sellers du New York Times. Il tient un site de commentaires intitulé « Jihad Watch », affilié à une fondation conservatrice.


Malgré une bonne réputation dans les cercles universitaires, les écrits de Robert Spencer font de lui une voix prépondérante dans la nébuleuse anti-islamique américaine, voire mondiale. Il est cofondateur avec Pamela Geller de l’association Stop Islamization of America.

Enfin, même si Anders Breivik ne le cite pas directement, les spécialistes estiment qu’il se serait également inspiré de Ted Kaczynski, connu outre-Atlantique sous le sobriquet de « Unabomber ».


Ce mathématicien diplômé de Harvard a organisé entre 1978 et 1995 plusieurs attentats meurtriers au colis piégé contre des universitaires américains et des compagnies aériennes. Son manifeste publié en 1995 montre qu’il était animé par une haine profonde du «  complexe industrialo-technologique  », accusé de priver l’être humain de son autonomie. Anders Breivik aurait recopié 17 passages du texte de Kaczynski en changeant certaines informations. L’Américain a été condamné à la prison à perpétuité sans possibilité de libération.

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