Une rentrée sur fond d’interrogations majeures

L’aggravation de la situation économique et les réponses à y apporter étaient au centre des préoccupations des universités des partis de gauche et écologiste. Les réponses divergent mais les socialistes, d’ores et déjà, ne contestent pas la « règle d’or » fixant à 3 % le montant du déficit public.

Michel Soudais  • 1 septembre 2011 abonné·es
Une rentrée sur fond d’interrogations majeures
© Photo : AFP / Muller

La Rochelle et les petits jeux médiatiques inhérents à la primaire qu’organise le PS pour désigner son candidat auraient presque fait oublier l’aggravation de la crise et la hausse du chômage. Le temps d’un week-end, il aura essentiellement été question dans les médias des difficultés des socialistes à s’entendre pour figurer sur une « photo de famille », de la bise de Martine Aubry à François Hollande, de l’avance de ce dernier dans les sondages et de la détermination de la maire de Lille à combler son retard, des petites phrases des uns et des autres… Comme si l’affrontement de casting submergeait tout, alors que la crise économique polarise tous les débats en imposant son calendrier.


La chute des marchés, la crise des dettes souveraines et la menace des agences de notation ont contraint le PS à réviser en plein été son programme adopté au printemps, pour accepter l’objectif d’un retour à 3 % du déficit public dès 2013. Et à redéfinir les marges de manœuvre avec lesquelles il prévoyait de rééquilibrer les finances publiques, relancer la croissance et réduire les inégalités.


Avant de se retrouver à La Rochelle, les socialistes avaient tenu trois jours plus tôt un bureau national extraordinaire. Il s’agissait de mettre au point une réponse collective après plusieurs semaines d’improvisations durant lesquelles les candidats à la primaire, sommés par le gouvernement de se prononcer sur la « règle d’or », ont répondu en ordre dispersé.


Dans une déclaration diffusée à l’issue de cette réunion, le PS rejette la « prétendue règle d’or » de Nicolas Sarkozy assurant qu’elle « ne règle rien pour réduire aujourd’hui les déficits puisqu’elle ne s’applique pas au gouvernement actuel » et « ne porte aucune solution pour l’avenir tant elle est facile à contourner ».

Même les piètres exégètes auront compris que les socialistes ne contestent pas le principe d’une telle règle, mais uniquement son inapplication immédiate et le fait qu’elle ne soit pas assez stricte. « On ne règle pas des problèmes massifs de déficit avec des textes mais avec des politiques », poursuit d’ailleurs le texte de cette déclaration.


Sur ce terrain, les candidats ont tendance à rivaliser en renchérissant sur les gages donnés aux marchés et aux agences de notation. Dans cet exercice, Manuels Valls se distingue. Favorable à l’instauration d’une forme de TVA sociale, le député-maire d’Évry estime que « toutes les marges de manœuvre doivent servir à la réduction des déficits et au désendettement ». Quand Martine Aubry et François Hollande préconisent de n’y consacrer que la moitié de ces marges, l’autre partie devant aller à des investissements destinés à relancer la croissance.


Ce qui n’exclut pas des mesures drastiques. Interrogée sur l’Éducation nationale par des lecteurs du Parisien (25 août), la maire de Lille, tout en assurant qu’ « il faut arrêter de supprimer des postes », a ainsi déclaré qu’il faudra « accepter qu’il y ait plus d’élèves par classe là où les enfants vont bien, et moins d’élèves là où ils ne vont pas bien ». « Moi je n’ai pas de problème pour dire que dans les endroits privilégiés on peut être beaucoup par classe. À mon époque, on était quarante et on n’avait pas trop de difficultés. »

François Hollande, quant à lui, avait déjà précisé qu’il était pour geler le nombre de postes dans l’Éducation nationale à son niveau de 2012, acceptant implicitement les dizaines de milliers de suppressions du quinquennat de Sarkozy.


Les socialistes ne sont pas nécessairement les seuls à se conformer aux critères de bonne gestion fixés par les instances européennes et acceptés par le gouvernement. Le 18 août, Laurence Vichnievsky avait semé le trouble aux journées d’été d’Europe Écologie-Les Verts, dont elle est porte-parole, en estimant dans une tribune à Libération que « la réduction de la dette » obligeait les écologistes à revoir leur projet.

L’ex-juge d’instruction et conseillère régionale en Provence-Alpes-Côte-d’Azur y écrivait notamment que « le retour à l’âge légal de la retraite à 60 ans est une lubie » (voir aussi page 14) ou que « les créations d’emplois publics doivent être gagées par des suppressions de postes ».

La porte-parole d’EELV, qui assure toutefois s’être exprimée en son nom propre, défend la « nécessité à se désendetter pour se libérer du joug des marchés financiers ». Et affirme avoir « reçu le soutien de plusieurs personnalités, comme Daniel Cohn-Bendit, Corinne Lepage et plusieurs socialistes ».

Cette ligne de « gestion de l’austérité » est fortement contestée par le Front de gauche. « Le discours de la gauche ne peut être la compétition pour mériter le triple AAA de l’austérité, ça ne peut pas être cette incroyable course à l’échalote que vous vous menez les uns les autres pour savoir lequel va être le plus rigoureux et proposer le plus grand nombre de sacrifices », a averti son candidat à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, vendredi, lors d’une visite à l’université d’été du PCF.


« Nous ne sommes pas candidats pour concourir dans le concours de meilleurs gestionnaires de la crise », abonde Pierre Laurent. Pour le secrétaire national du PCF, la bataille électorale doit au contraire être mise à profit pour « proposer des solutions pour sortir de la crise ».

Tout au long du week-end, les dirigeants du Front de gauche ont développé une « logique alternative ». Soutenue par une idée force : « La dette est un prétexte » au service d’un « coup d’État financier ».

En nous assommant avec des chiffres vertigineux, le gouvernement essaie de nous refaire le coup des retraites pour justifier des politiques d’austérité dans tous les domaines, ont-ils expliqué en substance lors du meeting de clôture du Remue-méninges qu’ils tenaient à Grenoble.


Jean-Luc Mélenchon a ainsi répété que rapporter le montant de la dette aux seules richesses produites en une année n’avait aucun sens puisque la durée moyenne des titres de la dette française est de sept ans et trente et un jours. Recalculé sur cette période, le montant total de la dette tombe, selon lui, à 12 % des richesses produites. « Qui ne rêverait pas d’être endetté à hauteur de 12 % de ses revenus ? »


Le Front de gauche veut « rassurer les productifs » plutôt que les marchés, a insisté le candidat en rappelant ses propositions qu’il défendra pour la campagne : un revenu maximum, quatorze tranches d’imposition, l’obligation pour la Banque centrale européenne (BCE) de prêter directement aux États, une taxation des revenus du capital à hauteur de ceux du travail… Tous sujets sur lesquels il réclame un vrai débat avec ses « partenaires de gauche », « qu’il s’agisse de nos camarades du NPA ou de nos camarades socialistes ». Une « offre publique de débat » qui sonne certes comme un défi adressé aux socialistes mais vise surtout à faire de la campagne électorale « un grand temps d’éducation populaire collective ».


Invitant ses auditeurs à ne pas attendre 2012, Jean-Luc Mélenchon les a aussi appelés à se mobiliser pour l’école en cette rentrée, et à se rapprocher de leurs syndicats qui envisagent une journée d’action contre la politique d’austérité, souhaitant « un automne de combat qui permette de commencer à faire reculer le pouvoir ».

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