Études-boulot-dodo

Plus de la moitié des 2,3 millions d’étudiants doivent travailler pendant leur parcours universitaire. Avec un impact sensible sur leur réussite aux examens et sur leur santé.

Grégoire Normand  • 20 octobre 2011 abonné·es
Études-boulot-dodo

Les étudiants travaillent plus. Mais pas forcément à la fac : sur les 2,3 millions qui retournent dans les amphis cette rentrée, plus de 50 % assument une activité rémunérée en parallèle des cours, selon l’Observatoire de la vie étudiante. Pas des jobs d’appoint mais de vrais boulots à l’année ou pendant plusieurs mois consécutifs.

Depuis les années 1980, le phénomène du salariat étudiant connaît une progression significative, rappelait une étude du Conseil économique et social (CES) dès 2007. Quatre raisons : la massification de l’enseignement supérieur a entraîné l’inscription de jeunes issus des classes moyennes et populaires dans les facs, mais les aides sociales ont stagné, paupérisant une partie de la population estudiantine. Les postes de surveillants, dont le nombre baisse, se sont transformés et sont de moins en moins compatibles avec l’activité étudiante. S’ajoute l’explosion du budget logement.

Les étudiants doivent donc mener de front un travail salarié et leurs études. Mais leurs résultats universitaires et leur santé s’en ressentent. Un emploi régulier réduit significativement la probabilité de réussite aux examens, concluait une enquête de l’Insee en 2009. Cette progression du travail étudiant est l’une des premières explications de la hausse des échecs.

Toutefois, après une forte augmentation de la proportion des étudiants salariés dans les années 1990, le phénomène stagnerait depuis 2002. Il y a en outre de forts écarts entre ceux qui travaillent un peu et ceux qui travaillent beaucoup : le taux brut de réussite aux examens est de 55,8 % pour les étudiants qui travaillent moins de 16 heures par semaine et de 37,9 % pour ceux qui travaillent plus de 16 heures, précise l’Insee.

Même calcul au CES : « La capacité pour l’étudiant à mener à bien son projet d’études suppose que le volume horaire soit de ­préférence inférieur à 15 heures par semaine. Au-delà de ce seuil, les conséquences du travail sur les résultats scolaires de l’étudiant sont en moyenne fortement préjudiciables. »

« Le statut d’étudiant salarié est en déliquescence » , lâche Laurence, étudiante en philo à Paris-VIII, qui a commencé à travailler en 3e année, après son départ du domicile familial. Elle est représentante de SUD Étudiant, syndicat qui réclame « la fin du salariat étudiant et la mise en place d’un salaire social […] en prenant une part dans les cotisations sociales des gens qui travaillent pour la reverser aux étudiants avec un système de caisse de répartition » .

En troisième année de psycho dans la même fac, Anne, secrétaire générale de l’Unef, propose de mettre en place « une allocation d’autonomie qui serait calculée selon les revenus propres à chaque étudiant et pas forcément sur ceux des parents » .

Témoignages

Julia, 24 ans, en AES

Julia est étudiante à Montpellier-I en administration économique et sociale. Pour la première fois, elle va travailler « vraiment » pendant son année universitaire « pour ne plus être une charge pour [ses] parents » . Elle vit encore chez eux et la recherche d’une indépendance est devenue sa priorité. Elle travaillait déjà quatorze heures le week-end comme serveuse dans la restauration. Elle compte bien, désormais, faire aussi des heures en semaine. Si « le temps [lui] glisse entre les mains » , elle n’en ressent quand même pas trop les conséquences. Certes, « le restaurant est à trente minutes de voiture, mais il y a une bonne ambiance » .

Sara, 21 ans, en socio

Depuis qu’elle cumule la fac – en troisième année de sociologie – et un boulot d’animatrice dans une école primaire, Sara dit qu’elle a « perdu plusieurs kilos. Courir de l’une à l’autre tous les jours, ce n’est pas facile ! » . Côté résultats, elle a ressenti une grosse différence entre sa première année de fac, alors qu’elle ne travaillait pas encore, et la deuxième. Elle a souhaité prendre des responsabilités dans un syndicat étudiant, mais sa priorité demeure les études : « Si certains étudiants se salarient, ce n’est pas pour travailler plus tôt et cotiser, mais pour payer leur logement, leur alimentation… »

Anouk, 25 ans, en philo

En thèse de philosophie à Paris-VIII, Anouk s’est mise à travailler pour prendre son indépendance. « Chez mes parents, c’était étouffant, je suis partie à l’âge de 20  ans. » Elle a été surveillante mais, « avant, c’était un travail dédié aux étudiants, qui leur laissait du temps pour travailler leurs cours. Ce n’est plus le cas. » Maintenant, elle donne des cours particuliers et travaille comme documentaliste dans une médiathèque le week-end. Elle se désole d’une « augmentation indéniable de la fatigue » et du temps passé au travail, qui l’empêche de suivre certains cours.

Société
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