À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 17 novembre 2011 abonné·es

En même temps que les Neiges du Kilimandjaro , sort sur les écrans Qu’ils reposent en révolte , un documentaire de Sylvain George. Tourné au plus près des migrants dans la « jungle » de Calais entre 2007 et 2010, le film montre ce qui fait le quotidien de ces hommes venus d’Érythrée, d’Irak, d’Afghanistan, dont le seul espoir est de réussir à passer en Angleterre.

Ces images en noir et blanc aux contrastes marqués déréalisent pour ne pas banaliser. Elles décuplent l’intensité de ce dont elles rendent compte : des visages fatigués, des regards sur le qui-vive, des torses couturés par des cicatrices, des doigts brûlés avec des boulons incandescents pour détruire les empreintes, des baignades dans une entrée du port, des rafles policières, le récit du périple depuis le pays d’origine, l’évocation des compagnons morts en cours de route…

Tout ce qui, dans l’ordinaire médiatique, doit rester invisible et tu. Qu’ils reposent en révolte oppose des images puissantes à la politique dite d’immigration, qui consiste à effacer du décor ces indésirables, à dissoudre leur présence.

Les Neiges du Kilimandjaro et Qu’ils reposent en révolte sortent la même semaine et, derrière toutes leurs différences (y compris en termes d’économie cinématographique), un point commun : les deux films se terminent sur un appel. Mais pour quel effet ? Dans le film de Robert Guédiguian, la proposition d’espoir est encourageante, parce qu’incarnée, portée par le mouvement intime de personnages qui, après un moment de doute, ont retrouvé le « chemin de leur vie ». Chez Sylvain George, le générique de fin annonce qu’« ils brûleront des villes entières ». Mais l’idée que les migrants entreront un jour en révolte est totalement absente de ce qui transparaît d’eux. Cette idée reste théorique, fantasmatique. Et par là, contre-productive.

Culture
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