Front commun dans les quartiers

Réunis pour les 3e rencontres nationales des luttes de l’immigration, à Créteil, des militants d’associations politiques très diverses poseront dimanche la première pierre d’un « mouvement autonome » national.

Erwan Manac'h  • 25 novembre 2011
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Front commun dans les quartiers
© Photo : Erwan Manac'h

Voilà des décennies qu’ils y pensent et six ans qu’ils en parlent. Après l’électrochoc des émeutes de novembre 2005 et le constat qu’un vide politique existe dans les quartiers populaires, des militants locaux très divers nourrissent l’ambition de s’unir dans une même direction.

Jusqu’à dimanche 27 novembre, une quarantaine d’associations sont réunies pour les 3e rencontres des luttes de l’immigration. Ce regroupement a été engagé en 2009 à Aniche (Nord), par une association d’anciens mineurs marocains du Nord (l’AMMN). Abdellah Samate, un des leaders du mouvement de grève des travailleurs immigrés à la fin des années 1980, s’était vu remettre la légion d’honneur. « Nous ne savions pas quoi faire de cette nomination, raconte Saïd Bouamama, sociologue et militant, quelques minutes avant l’ouverture des débats vendredi. Alors nous avons décidé de l’accepter et d’en faire une légion d’honneur collective en réunissant une centaine de militants âgés. »

Émancipation

Depuis, le rendez-vous a été reconduit avec un succès grandissant. Pour sa 3e édition qui débutait vendredi autour d’une centaine de militants associatifs, le regroupement a affiché une ambition fédératrice : « Pour un Front uni des organisations de l’immigration et des quartiers populaires » . « Nous devons arrêter le folklore et rentrer dans le champ politique pour un combat sur l’émancipation » , estime Driss Nabi, de l’association des travailleurs arabes du Mans (Atam), à l’origine de plusieurs luttes de travailleurs immigrés, parfois très dures, dans les années 1970.

Dimanche, un rendez-vous a été pris avec les militants du Forum social des quartiers populaire (FSQP) qui rassemble depuis cinq ans une convergence d’associations locales. Réuni les 11 et 12 novembre à Saint-Denis, le 4e FSQP a acté « la création d’un Front uni politique autonome des quartiers populaires et des immigrations » . « Il y a une convergence de deux dynamiques distinctes qui arrivent aux mêmes conclusions , résume Saïd Bouamama.

« Le dénominateur commun dont nous avons besoin »

Dimanche, les associations signataires discuteront, à huis clos, des modalités de fonctionnement du nouveau mouvement né de ces deux initiatives. « Nous ne savons pas quelle forme cela pourra prendre , explique Farid Bennaï. Est-ce que l’adhésion au mouvement sera ouverte à des associations ou seulement aux citoyens, ou bien les deux ? » Il s’agira surtout de donner corps au futur rassemblement en lui donnant du fond et des perspectives concrètes d’action. « La grande difficulté sera de créer un mouvement qui s’implante localement , estime Saïd Bouamama. Il faudra choisir des axes d’action forts, comme la lutte contre les crimes racistes, pourquoi pas avec une forte mobilisation en janvier pour le procès de Hakim Ajimi [décédé à Grasse en mai 2008] ou un grand rassemblement pour le droit de vote des résidents étrangers. »

Beaucoup de chemin reste cependant à parcourir avant la naissance d’un vrai mouvement unitaire, car les différences sont grandes et les divisions anciennes. Le mouvement n’a donc « pas vocation à remplacer les associations et les organisations existantes » , indique la déclaration du FSQP. Les « querelles d’égos » devront donc rester de côté et « chacun gardera son analyse , ajoute Saïd Bouamama. Tout l’enjeu pour nous est de repartir à la conquête des quartiers populaires, qui sont en proie à un impérialisme que nous combattons depuis des décénnies. Il reste à savoir si nous serons capables de regarder vers ce dénominateur commun dont nous avons tous besoin. »

Société
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