Le PS tenté de suivre

Entre les bonnes intentions affichées du programme socialiste et les propositions concrètes du candidat, il y a un gouffre.

Michel Soudais  et  Pauline Graulle  • 17 novembre 2011 abonné·es

Alors que la droite reprend de larges pans du programme du FN, le PS envisage-t-il une autre politique ? Dans leurs 30 propositions pour 2012, les socialistes proposent à juste titre l’augmentation des moyens de la justice et le renforcement de son indépendance. Mais, sur les orientations fondamentales de la politique pénale, le PS cultive le flou face aux mesures sécuritaires mises en œuvre. Son « Pacte national de protection et de sécurité publique » , présenté à Créteil il y a un an, se contente d’annoncer qu’il procédera « à l’évaluation des textes législatifs et réglementaires […] afin de déterminer ce qui doit être maintenu, renforcé ou abrogé » .

En revanche, ce texte réclame plus de police, sur le terrain et en accroissement de ses pouvoirs. Le PS revendique la possibilité de « décider des politiques de sécurité dans les instances de la démocratie locale » . Et d’étendre la fonction sécuritaire de l’école, l’urbanisme, la prévention de la délinquance. Tout doit « être renforcé pour produire de la sécurité », « définir des zones de sécurité prioritaires », « répondre à toutes les infractions ».

Dans la droite ligne des lois niant la fonction éducative de la justice des mineurs, et même s’il veut préserver cette dernière, le PS propose de créer des « centres de discipline et de réinsertion ».

Sous les coups de boutoir de la droite dénonçant son prétendu laxisme, le PS a fait sa mue idéologique. En mars 1981, « la première sécurité, c’est la liberté », déclarait Pierre Mauroy. À quoi faisait écho, en octobre 1997, cette phrase de Lionel Jospin, alors Premier ministre : « Il n’y a pas de choix entre la liberté et la sécurité. » De la prévention de la délinquance, qu’il voulait renforcer en 1983, le PS a pourtant glissé au renforcement de la répression. À l’orée des années 2000, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur de Jospin, défend une « politique sécuritaire de gauche ». Le père de la police de proximité évoque déjà la suspension des allocations des parents de délinquants, le rétablissement des maisons de correction et la mise en détention des mineurs délinquants.

Lionel Jospin n’ira pas jusque-là mais décide, en 1999, la création de « centres de placement immédiat » pour mineurs. Deux mois après les attentats du 11 Septembre, la loi sur la sécurité quotidienne de son gouvernement augmente les pouvoirs des agents de sécurité, étend le fichier national automatisé des empreintes génétiques conçu par la garde des Sceaux Élisabeth Guigou, renforce les pouvoirs de la police dans les halls d’immeuble et réglemente les free-parties.

Les associations de défense des droits de l’homme craignent que les errements de la politique de tolérance zéro et de la sanction systématique des plus petites infractions perdurent en cas de victoire du PS. Cela dépendra beaucoup de celui qui sera nommé à l’Intérieur. Candidat au poste, François Rebsamen n’excluait pas, il y a un an [[Nouvel Observateur,
18 novembre 2010.]], d’envoyer « l’armée » à la « reconquête » d’ « une centaine de quartiers […] devenus des zones de “non-droit” où règne la loi du caïdat ». « Les gendarmes savent très bien mener ces opérations de “pacification”, ils l’ont plusieurs fois démontré à l’étranger » , ajoutait-il. Autre prétendant, le député Jean-Jacques Urvoas, connu pour son hostilité à la vidéosurveillance, est réputé plus respectueux des libertés fondamentales. Signe qui ne trompe pas, l’UMP l’accuse déjà d’avoir pour projet de désorganiser la police.

Publié dans le dossier
Le FN décide, Sarkozy exécute
Temps de lecture : 3 minutes