Putsching balls

Sébastien Fontenelle  • 17 novembre 2011 abonné·es

Si je devais me trouver un métier, là, tout de suite – et si j’avais le choix entre, disons, militaire et capitaliste –, j’opterais sans la moindre hésitation pour la solution numéro deux, vu que force est de constater : si tu fais capitaliste, tu disposes de facilités que t’as beaucoup moins si tu fais militaire. Et je ne parle pas seulement ici du fait que la rémunération n’est pas du tout la même, et que dans un cas tu dois le plus souvent te contenter d’une solde barémisée, alors que dans l’autre, pardon, mais tu te gaves comme un très, très, très gros  porc.

Imaginons, par exemple, que tu te lèves un matin avec une grosse envie de faire un coup d’État au Chili : si t’es militaire, t’auras le plein soutien des Yankees, et ça compte, je dis pas – mais tu devras subir aussi les quolibets de la bien-pensance, ça va être du style concert de cris d’orfraies à Saint-Germain-des-Prés, et c’est le genre de truc qui peut très vite te lasser, parce que bon, c’est pas parce qu’on aime assassiner des communistes qu’on apprécie aussi de se faire piétiner l’image de marque, on a quand même son honneur, putain de merde.

Alors que si t’es capitaliste personne te dira rien. Tu pourras putscher tranquille à Santiago : l’éditocratie continuera de chanter yo, Milton Friedman.
Itou si t’ambitionnes de golper sous le Parthénon : si t’es colonel, t’auras, de fait, le plein soutien de Washington, mais tu devras de nouveau te fader des intellos pétitionneux qui te dégueuleront dessus tous les trois matins – alors que si t’es capitaliste ?
Pas du tout.

Si t’es capitaliste, et si ton Papandréou se découvre sur le tard, après t’avoir (très) fidèlement laqué, des envies de s’émanciper ? Tu lui fais mettre quelques paires de baffes dans sa gueule par d’encore plus serviles serviteurs (franco-allemands, par exemple), et tu le dégages, l’impudent petit salaud, puis tu le remplaces par des gens de chez toi – et là, t’es le roi du monde : le résultat est, au fond, exactement le même que si t’avais fait un coup d’État des colonels, mais les éditocrates françousques, loin de te tenir rigueur que t’as sauté à pieds joints sur la démocratie, se déchaînent au contraire contre Geórgios l’effrontéllène, qui a voulu organiser dans sa plèbe un référendum, et voyez ce qui lui est arrivé, à ce dément, et convenez, mâme Dupont, qu’il l’a bien cherché ?

À ce moment-là, un boulevard s’ouvre devant toi, et si t’es un(e) capitaliste un peu futé(e), t’en profiteras pour gicler aussi ton ex-Rital de prédilection, et pour le remplacer (deux précautions valent mieux qu’une) par un VRP de chez Goldman Sachs : si tout se passe comme prévu, la presse ovationnera « la fin du Cavaliere » – et le plus beau, c’est tu sais quoi-ce ? C’est que si d’aventure on venait te prendre aux cheveux au saut du lit, histoire de te mettre un bon coup à l’amende ? Histoire de te faire passer l’envie d’hacher d’entiers peuples ? Les mêmes hurleraient au scandale.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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