Greenpeace : fin du cache-cache

Dans la nuit de dimanche à lundi, Greenpeace s’est introduit dans deux centrales nucléaires pour alerter l’opinion sur les conditions de sécurité. Les derniers militants sont restés cachés jusqu’en fin de journée.

Erwan Manac'h  • 5 décembre 2011
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Greenpeace : fin du cache-cache
© Photo : AFP / François Nascimbeni

Greenpeace France annonce ce lundi 5 décembre que 9 militants ont réussi à se hisser sur le dôme d’un réacteur de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine (Aube) à 95km de Paris, vers 6h du matin. Durant toute la journée, l’organisation écologiste affirme que d’autres militants sont cachés sur un site nucléaire. La partie de cache-cache s’achève vers 19h30, lorsque deux activistes sont retrouvés dans l’enceinte de la centrale de Cruas (Ardèche).

Cette opération visait à montrer la vulnérabilité des sites nucléaires et l’insuffisance des dispositifs de sécurité. Trois questions à Axel Renaudin, chargé de communication à Greenpeace France.

Comment s’est déroulée l’opération ?

Ce matin, [lundi 5 décembre], nos militants ont réussi à se hisser sur le toit d’un réacteur, l’endroit le plus sensible d’une centrale nucléaire. Cela n’a pas pris plus de 15 minutes. Il y a des barrières électriques à franchir et d’autres mesures de sécurité, mais cela n’a pas empêché les militants de Greenpeace, qui disposent de très peu de moyen, de s’introduire.

L’intrusion a été confirmée par EDF qui a tenté de minimiser en affirmant que le « cheminement [des militants] a été suivi en permanence sur le site, sans qu’il soit décidé de faire usage de la force. » Neuf militants ont été interpellés et placés en garde à vue. En fin de matinée, lundi, le ministère a annoncé une fouille approfondie de toutes les centrales… à la recherche des militants de l’organisation. Sur le site de Greenpeace France, un «live blogging» a été ouvert pour couvrir l’événement en direct.

Que pourrait signifier une telle incursion en termes de dégâts, avec des mauvaises intentions ?

Le point le plus sensible dans une centrale est le cœur du réacteur, c’est là que se trouvent le plus de matériaux radioactifs. Il est entouré d’une « enceinte de confinement » mais nous avons vu au moment de Fukushima que celui-ci ne résistait pas à des épisodes très violents. C’est pour cela qu’il y a 4 barrières de sécurité avant d’accéder au réacteur. Mais nous avons apporté la preuve que cela était totalement insuffisant. En cas d’explosion terroriste par exemple, les conséquences sont donc celle d’un accident nucléaire de l’ampleur de Fukushima.

Après Fukushima, le gouvernement a demandé aux exploitants des sites nucléaires, CEA, Areva et EDF, de faire un audit de sécurité sur les installations. C’est insuffisant ?

Ces audits ne prennent en compte que les risques naturels. Ils ne se penchent pas sur les risques terroristes, de chute d’avions ou de piratages informatiques. Or les autorités disent bien que la France se trouve à un niveau de menace terroriste important.

Ce qui s’est passé ce matin est très inquiétant. Nous demandons que le cahier des charges de cet audit soit rapidement revu. L’objectif de cet audit a minima était de pouvoir annoncer en janvier, date de la communication des résultats, une liste de « centrales sûres ». Mais nous affirmons que le seul nucléaire sûr est l’absence de nucléaire.


  • Ajout, lundi à 13h :
    Sur son site, Greenpeace met en scène le cache-cache avec les exploitants du nucléaire. « Ces images n’ont pas été tournées à Nogent… mais où ? » , s’amuse l’organisation dans une courte vidéo postée lundi midi :

Nucléaire : Action au coeur du système par gpfrance

  • Ajout à 14h30 : La couverture en direct de l’événement continue. Greenpeace a publié à 14h une vidéo filmée d’après l’organisation par un militant dans l’enceinte d’un site nucléaire.

Message de Julien, au coeur du réacteur par gpfrance

  • Ajout à 17h30 : contacté en fin de journée Greenpeace affirme que ses militants sont toujours présents dans d’autres sites nucléaires que celui de Nogent-sur-Seine. Ils n’auraient toujours pas été repérés malgré la fouille «approfondie » demandée à la mi-journée par le gouvernement sur l’ensemble des sites nucléaires.

    « Ils ne sortiront pas tant qu’ils ne seront pas repérés » , lançait à 17h Axel Renaudin, chargé de communication à Greenpeace France, qui estime que l’opération a d’ores et déjà « atteint son but » en poussant les responsables politiques à s’exprimer. Au cours d’une conférence de presse consacrée à la crise de l’euro, lundi après-midi, Nicolas Sarkozy a qualifié d’ « assez irresponsable » l’action de Greenpeace, jugeant que les militants avaient pris « des risques avec [leur] vie et la vie des autres. » Claude Géant, ministre de l’Intérieur, a reconnu des « défaillances » dans le dispositif de sécurité des centrales.

  • Ajout, mardi 6 déc. à 10h : Onze personnes ont finalement été arrêtées sur deux sites nucléaires. Les 9 militants interpellés lundi matin dans la centrale de Nogent-sur-Seine devraient être convoqués devant le tribunal correctionnel le 20 janvier, selon le procureur de Troyes, Alex Perrin. « Ils vont faire l’objet d’une convocation » pour « violation de locaux professionnels », « dégradation, destruction de biens d’utilité publique en réunion » pour avoir découpé un grillage afin de s’introduire dans l’enceinte de la centrale, a indiqué le magistrat.
Écologie
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