Honneur de la police

Sébastien Fontenelle  • 1 décembre 2011 abonné·es

Honneur de la police
De tous les atterrants clichetons que la presse dominante nous inflige quotidiennement, l’un des plus répugnants est celui du « grand flic » – d’où ressort généralement que, oui, le commissaire Ocatarinabellatchitchi (« Ocata », comme on l’appelle dans les bars montants où sa coolerie force même l’admiration du pourtant difficile Dédé la Sulfate) s’est trempé dans plus de barbouzeries dégueulasses que n’en compte la biographie du référentiel Edgar J. Hoover, mais que tout de même, hein, le type reste un « grand flic » , à l’ancienne, du genre qu’on fait hélas plus, mâme Dirand.

Hier, profitant que j’avais quelques dominicales minutes à moi, je reprends l’avant-dernier numéro du Nouvel Observateur , dont j’avais abandonné la lecture après m’être fadé le burlesque édito de Laurent Joffrin, et sur quoi je tombe, dans les pages dédiées aux arts et aux spectacles ?

Sur un looooong entretien [^2] avec un certain Olivier Marchal, qui est, si j’ai bien compris, un ex-policier reconverti dans le cinéma, et qui vient de faire « un film sur le gang des Lyonnais » , fameux dans le mitan des années 1970 – et qu’est-ce qu’il raconte, Olivier Marchal ? Il « prend la défense de Michel Neyret » .

Et c’est qui, Michel Neyret ? C’est l’ancien « numéro deux de la PJ de Lyon, accusé de corruption » et incarcéré depuis le 3 octobre à la prison de la Santé, qui, d’après le Monde, a reconnu « avoir reçu des cadeaux » (parmi quoi « une montre Cartier en or d’une valeur de 30 000 euros » ) d’un « petit escroc, vaguement indicateur de police [^3] » , à qui il offrait, de son côté, des « renseignements » .

Olivier Marchal crie : « Neyret est un grand flic ! »
Olivier Marchal voudrait qu’on foute la paix à cet admirable commissaire – car, en effet, lui-même, Olivier Marchal, serait « tombé mille fois » si on l’avait « jugé quand » il était « flic » .

Puis de narrer cette amusante anecdote : « Je me souviens d’un junkie qui devait nous donner des infos. Un des flics a fait chauffer la petite cuillère et a injecté l’héro dans le bras du gars… On a eu tous les tuyaux qu’on voulait. »

Puis de se désoler : « Aujourd’hui, pour un truc comme ça, on prend dix ans de cabane. »

Puis d’ajouter : « Il y avait aussi des enlèvements de personnes soupçonnées de terrorisme… Cagoule, le trou, Fontainebleau… Tout ça, c’était pour la raison d’État, et personne ne disait rien.   »

C’était bath…

La grande fliquerie, vue depuis Olivier Marchal, est donc celle qui injecte de l’héroïne dans le bras d’un toxico pour le faire parler, et qui pratique « des enlèvements » sous le couvert de la raison d’État. Elle est en somme du niveau de ce qu’elle devait être en Argentine sous Videla : je ne sais pas ce qui me fait le plus gerber, de ce propos, ou de sa publication dans un hebdomadaire qui se prétend de gauche – mais où personne ne réagit à ces insanités.

[^2]: Qui devrait, je pense, faire désormais l’objet d’un cours dédié, dans les écoles où s’enseigne la complaisance journaleuse.

[^3]: Le Monde, 29 novembre 2011.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes