Quand l’eau devient trop chère

Associations et militants du Front de gauche de La Ferté-sous-Jouarre et du Pays fertois réclament le retour en régie publique de l’eau. Un long combat qui reçoit le soutien d’élus de l’Essonne.

Thierry Brun  • 15 décembre 2011 abonné·es

Cela n’échappe à personne. En transport en commun, en voiture ou à pied, l’entrée dans la commune de La Ferté-sous-Jouarre, en Seine-et-Marne, se fait sous le signe de la lutte contre ce fléau nouveau qu’est l’extraction des huiles de schiste. « Non aux huiles de schiste » , peut-on lire en gros caractères sur une immense banderole, symbole d’un combat qui se poursuit à 60 kilomètres de Paris.

Dans la commune et le département, les habitants se sont fortement mobilisés au début de l’année contre les sites de forage. Les travaux sont certes interrompus depuis que le gouvernement a fait volte-face sur le sujet, mais l’enjeu écologique a marqué les esprits : « Nous sommes dans une région rurale frappée par la question des huiles de schiste, qui a des conséquences sur l’eau potable » , explique Éric Bimbi, professeur d’histoire-géographie, adjoint au maire de La Ferté-sous-Jouarre, lors de la première « assemblée citoyenne de la gestion publique de l’eau », qui s’est tenue le 9 décembre [^2].

Car la bataille contre les huiles de schiste a relancé celle de l’eau potable et du passage en régie publique dans la communauté de communes du Pays fertois, qui regroupe 27 000 habitants. « Alors que le prix moyen du mètre cube d’eau en France se situe à 3 euros environ, il est dans notre communauté de communes à 4,75 euros, parmi les plus chères de France » , souligne une pétition lancée par l’Association de réflexion et de défense des usagers de l’eau du Pays fertois (Ardue), qui a demandé un audit sur la délégation de service public confiée à la Saur, une des trois multinationales de l’eau avec Veolia Eau Île-de-France et la Lyonnaise des eaux.

Les élus locaux de gauche et l’Ardue dénoncent l’opacité autour de la gestion privée de l’eau, et l’assemblée citoyenne a été l’occasion d’un échange d’expertise avec Gabriel Amard, président de la communauté d’agglomération Les Lacs de l’Essonne, la première à avoir quitté le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) pour une gestion en régie publique de l’eau potable, et avec Joël Josso, de la Coordination eau Île-de-France.

« La régie publique Eau des lacs de l’Essonne propose un prix de l’eau potable 28 % moins cher que Veolia. Et il ne s’agit pas de faire du low cost , défend Gabriel Amard. On a fait six fois plus d’investissements avec six agents qui sont là à temps plein, et ce service est accessible à tous. » Un horizon que souhaiteraient les élus du Front de gauche lors de la fin du contrat de délégation de service public de l’eau dans le Pays fertois, et que n’a pas rejeté Nathalie Pierre, la maire socialiste de La Ferté-sous-Jouarre.

L’Ardue a demandé, en vain, à la communauté de communes de dénoncer « le contrat d’affermage conclu avec la Saur » . Renouvelé en 2009, ce contrat s’achève dans une dizaine années et pèse lourdement sur les usagers : « Dans le prochain budget, la Saur a demandé une augmentation du prix de l’eau, alors que le réseau est pourri. On a relevé 30 % de fuites ! » , prévient Emmanuel Fumeron, conseiller municipal PCF de La Ferté-sous-Jouarre et conseiller communautaire. « Cela fait un an qu’on doit avoir les résultats d’un audit sur la délégation de service public. Ils sont entre les mains de la présidente de la communauté de communes, Jeannine Beldent [maire de Chamigny, élue de droite, sans étiquette], tempête l’élu local. On n’est au courant de rien. C’est inadmissible et antidémocratique ! »

De son côté, Gilbert Murinson, vice-président de l’Ardue, décrit les conséquences d’une eau chère pour les usagers : *« Certains sont régulièrement menacés de coupure. Sur 8 886 abonnées dans le canton de La Ferté-sous-Jouarre, environ 3 000 ont des retards de paiement de leurs factures d’eau, parfois de six mois, dus aux difficultés rencontrées par les familles. »
*

Claude Munnier, président de l’Ardue, a pour sa part invité Gabriel Amard à rencontrer les élus lors d’un prochain conseil communautaire. « On a montré qu’on peut faire autrement, y compris chez des maires de droite » , ironise ce dernier. À quelques encablures de La Ferté-sous-Jouarre, à Meaux, fief du patron de l’UMP, Jean-François Copé, l’eau est gérée en régie publique, et est moins chère que dans le Pays fertois…

[^2]: Ces assemblées citoyennes sont organisées par le Front de gauche.

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