Tolérance zéro

Sébastien Fontenelle  • 22 décembre 2011 abonné·es

Je dis pas que t’es pas sympa, entendons-nous bien : t’es d’un caractère plutôt égal, et d’une plaisante composition. (T’es pas Gandhi non plus, me fais pas dire ce que j’ai pas dit, mais force est de constater que t’es carrément beaucoup plus cool que le chef de l’État français quand le chef de l’État français croise dans le déroulé d’une ferveur populaire un esprit sain qui lui suggère de se casser un peu loin, et lui répond qu’il est un con.)

Cependant, tout(e) urbain(e) que tu sois, je suis bien certain que t’aimerais pas tellement que ton voisin d’en haut te pisse dessus tous les matins, à l’heure du laitier : je devine que sous tes avenants dehors, t’es du genre qui se lasse un peu vite de tendre l’autre joue, et qu’assez rapidement tu monterais voir le gars pour lui demander une fois de cesser, puis deux fois, puis une (toute) dernière fois – après quoi, forcément, s’il continuait quand même ses mictions matinales, tu finirais par t’emporter. Même : tu deviendrais soupe au lait.

Alors que les immigré(e)s : non. Les immigré(e)s sont pas comme ça. Les immigré(e)s : ça fait tant d’années que la clique régimaire et sa cléricature d’accompagnement les conchient quotidiennement qu’on ne les compte plus – mais tu noteras que, loin d’aller distribuer dans ces camarillas quelques méritées remontrances, les immigré(e)s se tiennent coi(te)s.
Gentiment. Poliment.

Fort de quoi, le ministre UMP von Staatssicherheit voudrait que les immigré(e)s soient plus gentil(le)s et poli(e)s : c’est du moins ce qu’il a récemment déclaré (juste après qu’un des plus réputés penseurs de la France du même nom[^2], Alain Finkielkraut, avait partout narré que l’affligeait grandement, pour ce qui le concernait, que les gens, suivez mon regard, ne soient plus courtois comme avant, et qu’ils aient tant perdu le sens de l’aidos [^3]) – et tu peux très sûrement parier qu’il s’est trouvé quelques fans pour considérer que c’était finement raisonné, merde alors, il en a dans le crâne, le mec, hein, Rirette ?

Et je voudrais, vu qu’on va rester quinze jours sans se parler, que nous tirions de ce si caractéristique épisode la matière d’une un peu vaste méditation sur l’élasticité des patiences populaires – et que nous nous demandions si nous devons vraiment continuer l’année prochaine de nous montrer si tolérant(e)s, ou s’il ne serait pas temps que nous montions voir le voisin d’en haut ?

Bon bout d’an, camarade.

[^2]: La France d’après, donc : j’aimerais quand même bien que tu suives un peu.

[^3]: Comme je dis toujours au petit Kevin, trois ans, qui veut plus tard « faire philosophe », pour « passer à la télévision et dans le Point » : t’as fait le bon choix, mon gars, c’est un boulot peinard, où il suffit de caqueter que t’es plutôt du même avis que la télévision et le Point (et Jean-Pierre, qui refait tous les matins le monde au zinc du bout de l’impasse), mais en mêlant des fois des mots un peu compliqués dans ta récitation des psaumes du régime.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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