Un espoir de guérison

Cette année, la journée mondiale contre le VIH est marquée par les trente ans de l’épidémie.
Aujourd’hui, les chercheurs évoquent la possibilité de mettre au point des traitements permettant une véritable guérison.

Noëlle Guillon  • 1 décembre 2011 abonné·es

Trente ans après la description des premiers cas, on comptabilise 25 à 33 millions de personnes tuées par le sida, et 34 millions de personnes qui vivent avec le virus. Mais aujourd’hui, un espoir : les chercheurs croient enfin à la mise au point de traitements curatifs.

En février 2011, un groupe de travail de la Société internationale contre le sida (IAS) a lancé la stratégie « Vers un traitement curatif du VIH » . « C’est un nouvel eldorado, une ambition de recherche » , explique Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), qui participe au projet. « C’est un objectif scientifique et technique, et une stratégie visant à rassembler des forces sur un sujet difficile. »

Le groupe réunit des scientifiques, des militants et des associations de patients. « D’un point de vue de santé publique, l’apport des tri­thérapies est indéniable. Les patients sous traitement ne sont presque plus contaminants. En revanche, même si la qualité de vie des personnes atteintes par le virus s’est améliorée, elles souffrent d’effets secondaires tels que l’apparition de cancers ou de maladies ­cardiovasculaires » , précise Éric Fleutelot, directeur adjoint de Sidaction. « De plus, les conditions économiques sont telles qu’on imagine mal pouvoir doubler le nombre de personnes traitées sur la planète. » Dans les pays du Sud, 9 millions de personnes auraient besoin d’un traitement à vie. Coût : 8 milliards de dollars.

En France, 40 000 personnes ignorent encore leur séropositivité. Pour lutter contre le risque de contamination et les retards de traitement, le dépistage s’avère crucial.

Or, non seulement les tests de dépistage rapide sont aussi efficaces que les tests classiques, mais ils permettent de toucher plus de personnes, défend une étude publiée le 22 novembre par le Bulletin épidémiologique.

Une goutte de sang est prélevée, le résultat est obtenu en 30 minutes, et plus de 97 % des patients en sont informés. Quand le délai d’attente est d’une semaine, plus de 20 % des testés ne viennent pas chercher leurs résultats.

Les tests rapides sont pour le moment en expérimentation dans des centres communautaires mais aussi des centres de dépistage anonyme et gratuit, et chez des médecins généralistes. Cependant, « il ne semble pas qu’il y ait eu un réel engouement des généralistes pour le moment », regrette Jean-François Delfraissy, directeur de l’ANRS. La démarche reste à démocratiser.-

La recherche explore donc des pistes pour guérir les malades. Deux approches sont à l’étude. La guérison dite stérilisante consisterait à éradiquer totalement le virus de l’organisme. Un pari difficile car, même sous traitement, et alors que le virus devient ­indétectable dans le sang, il continue à se répliquer dans ce que l’on appelle des « réservoirs » , comme l’intestin. Tout l’enjeu serait alors d’arriver à éliminer cette dernière poche de résistance. Un patient fait figure de modèle dans ce domaine. Séropositif et atteint de leucémie, il a subi une greffe de moelle osseuse. Le remplacement de toutes ses cellules immunitaires a fait disparaître le virus de son organisme. « Mais on ne pourra jamais faire des greffes à tous les séropositifs » , relativise Éric Fleutelot.

Le deuxième type de guérison, dite « fonctionnelle », serait porteur de davantage d’espoirs. L’idée est venue des HIV-controllers, ces patients qui arrivent à contrôler leur charge virale sans prendre de traitements. « Il s’agit de traiter tôt et fort avec des molécules combinées dès la primo-infection pour empêcher autant que possible le virus de se répliquer dans les réservoirs. Et ensuite d’arrêter le traitement. C’est ce qu’on fait pour l’hépatite C avec un traitement de 48 semaines. Avec une absence ultérieure d’évolution de la maladie et de transmission, on pourrait alors parler de rémission. »

Des essais sont déjà en cours en France, comme Optiprim, qui vise à mesurer l’efficacité de cinq traitements combinés dès la primo-­infection. « mais il s’agit vraiment d’une révolution de pensée, et certaines équipes n’y croient pas du tout , modère Jean-François Delfraissy. En plus, cette approche nécessite des essais lourds et ­onéreux. » L’investissement serait rentable à long terme. Le groupe de travail de l’IAS entend sensibiliser les politiques à ces stratégies curatives. « Nous défendons ce que nous estimons être possible dans la décennie » , plaide Éric Fleutelot. L’exigence principale continue de porter sur l’élargissement de l’accès aux traitements existants et ­l’augmentation de la prévention et du dépistage.

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