À contre-courant / La fiscalité malmenée

Geneviève Azam  • 12 janvier 2012 abonné·es

Face à la crise, la fiscalité est convoquée, de manière fantaisiste et régressive ou parée de toutes les vertus. En revenant sur le tapis, la TVA sociale se mue en outil de propagande : signe des dérives totalitaires, l’important n’est pas de croire aux arguments de la lutte contre la désindustrialisation, de la compétitivité, de la création d’emplois et autres bienfaits promis, mais de les répéter. Ces arguments sont en effet contredits par de nombreux rapports. La fiscalité est là seulement convoquée pour abaisser le coût du travail en baissant prioritairement les contributions patronales, avec pour conséquences une hausse des prix toutes taxes comprises (TTC) des produits, importés ou produits en France. C’est une manière d’accroître encore la fiscalité indirecte alors qu’elle pèse lourdement sur le revenu des ménages, et d’autant plus lorsque ce revenu est faible. La spirale bien connue se poursuit : pour stimuler la consommation, sur laquelle repose la sacro-sainte croissance, il y aura toujours l’endettement auprès des banques, qui peuvent allègrement se refinancer à des taux records de 0,01 %. Bref, tout a déjà été dit et écrit.

Mais outre l’injustice sociale et l’ineptie économique d’une telle mesure – que devrait être le taux d’une telle taxe pour aligner le coût salarial français sur les coûts les plus bas en Europe ou en Chine ? –, il s’agit là encore d’une entreprise de déconstruction et de décrédibilisation de l’impôt, de la fiscalité en général et de la solidarité sociale. Selon la même logique, ce gouvernement a réussi à ruiner durablement l’idée d’une fiscalité écologique, avec son annonce de contribution climat-énergie, alors qu’elle serait nécessaire pour lever de nouvelles recettes, permettre le financement d’une transition écologique, et favoriser des activités fondées sur la qualité sociale et environnementale des produits au lieu du low cost généralisé.

Dans le même registre, la taxe sur les transactions financières est agitée verbalement par ceux qui l’avaient combattue, au moment où elle aurait pu être utile pour empêcher l’orgie financière. Elle est maintenant parée de toutes les vertus et semble pouvoir éponger les montagnes de dettes accumulées : lutte contre le changement climatique, financement de la lutte contre la pauvreté dans le monde, financement de la protection sociale et de la réindustrialisation dans les pays en crise, financement de la transition énergétique, bref, une potion magique.

Quelle réponse à cela ? Bien sûr, une révolution fiscale avec priorité à l’impôt progressif sur les revenus et l’augmentation de l’impôt sur le capital, avec l’arrêt des exonérations des cotisations sociales et le financement pérenne de la Sécurité sociale, et une taxe significative sur les transactions financières. Mais si la fiscalité et la redistribution sont indispensables, elles ne peuvent pas tout. L’induire exposerait à de nouveaux désenchantements. La dette sociale et la dette écologique, chacune caractérisée par des dégâts souvent irréversibles, ne pourront pas être compensées, réparées, par la seule redistribution et la solidarité. En revanche, une fiscalité juste est une des conditions de la restauration d’un avenir démocratique.

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