À flux détendu

Christophe Kantcheff  • 19 janvier 2012
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Au début des années 1990, atteint du sida, Serge Daney savait que ses jours étaient comptés. À sa manière, il s’offrit du temps en créant, en 1991, une revue trimestrielle, Trafic , dégagée de l’impératif de l’actualité, qu’il connut à Libération , et auparavant aux Cahiers du cinéma . Daney ressentait la nécessité de sortir de la critique telle qu’elle se fait (ou ne se fait plus) dans les médias, cherchait à redéfinir les liens entre les films et leurs spectateurs. « Trafic veut retrouver, retracer, voire inventer les chemins qui permettent de mieux savoir, dès aujourd’hui, “comment vivre avec les images”, écrivait-il dans le 1er numéro. La revue est ouverte à tous ceux qui ont l’image comme première passion, le cinéma dans leur bagage culturel et l’écriture comme seconde passion. »

Aujourd’hui, Raymond Bellour, Sylvie Pierre et Patrice Rollet, ses compagnons des débuts de la revue, continuent à animer celle-ci sans lui, sans Jean-Claude Biette non plus, décédé il y a dix ans. Avec sa couverture en papier kraft, ses pages de texte serrées excluant toute illustration – une sobriété qui marque aussi bien une opposition au spectaculaire qu’une confiance inouïe dans l’imaginaire –, Trafic demeure essentielle et excitante. Ainsi ce numéro anniversaire (n° 80), publié comme toujours par les éditions POL, où 20 auteurs, écrivains, philosophes, critiques, cinéastes… ont chacun choisi un film sur lequel ils désiraient écrire – le Centre Pompidou programmant ces 20 films jusqu’au 30 janvier.

Ici, la liberté domine. Par exemple, celle de la forme d’écriture (poétique, pour Leslie Kaplan, à propos de l’Homme sans passé de Kaurismäki), celle du choix d’une œuvre confidentielle ( la Belle Journée , de Ginette Lavigne, par Jean-Louis Comolli), ou d’un film non « classé » habituellement dans le cinéma ( Craneway Event , de Tacita Dean, par Hervé Gauville). Lire Trafic est un exercice profitable.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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