J’aurais voulu être un gauchiste…

Sébastien Fontenelle  • 19 janvier 2012 abonné·es

Je suis Henri Guaino.

Je suis « conseiller spécial de Nicolas Sarkozy » , de l’UMP, qui est quant à lui le gars, vous savez, qui avait promis qu’il serait « le président du pouvoir d’achat » , mais qui, dès qu’élu chef von l’État françousque, fit savoir aux populations qui l’avaient (inconsidérément) mis dans l’Élysée que, pour ledit pouvoir, ç’allait en fin de compte point du tout êt’ possib, mâme Dupont, vu qu’ « les caisses » étaient « vides » – tout va bien, mâme Dupont, pas trop mal au fi… Au front ? (Moyennant quoi, le toujours étincelant Xavier Bertrand, de l’UMP, vient de déclarer dans le Journal du dimanche [^2] – où le déférent journaleux qui recueillait ce digne propos s’est (il va de soi) précautionneusement gardé de lui suggérer de moins se foutre de la gueule du monde : « Nous, nous n’attendons pas le lendemain des élections pour dire la vérité. »)

Comme tel – comme conseiller spécial de Kozy, veux-je dire –, je suis depuis son tout début du tout premier cercle du régime qui vient de passer cinq années [^3] à nantir les nanti(e)s. Toujours, quand le sarkozat prenait aux pauvres pour donner aux très riches, j’étais là, remember, pour psalmodier, dans notre quotidien du peuple [^4] : « Heureusement qu’il y a le volontarisme de Nicolas Sarkozy. »

M’entendîtes-vous protester, je vous prie, quand mon maître fit pour la possédance un bouclier fiscal sur mesure, lourd des « chèques à six, voire sept zéros, que l’État » serait dès lors « amené à envoyer à quelques richissimes contribuables »  [^5] durant que de gueusardes files d’attente continueraient de s’allonger aux caisses de chez Lidl ? Nenni : vous ne m’ouîtes point, car je restus coi – nonobstant que j’avais, disait-on (et vous pensez bien que je laissais dire), le gaullisme « social » .

Je suis Henri Guaino, et il m’arrive de penser que ma vie aurait pu être complètement différente.
Dans ces moments-là, quand je succombe à ce que mon toubib appelle en se marrant mes crises de bolchevite aiguë, je m’imagine en Henri Mélenchon ou en Henri Poutou, et je me mets à balancer des avis à la propulsation qui feraient salement flipper Bolloré s’il ne savait pas que c’est pour de rire : l’autre jour, par exemple, j’ai carrément lâché dans le Monde [^6] qu’ « un des faits marquants de ces dernières années » – celles, donc, du sarkozat où j’ai si fidèlement servi – était qu’ « une partie des très riches » avait « fait sécession par rapport à tout le reste de la société » .

Je suis Henri Guaino, et comme vous constatez : je n’ai aucune espèce d’intention de laisser la honte m’éblouir les yeux.

[^2]: Du 15 janvier.

[^3]: Je dois vous avouer que je suis sidéré que vous ayez si stoïquement supporté ça pendant 1 825 jours, sans jamais lancer contre nos châteaux le moindre assaut.

[^4]: Le Figaro, 7 mai 2010.

[^5]: Un quinquennat à 500 milliards. Le vrai bilan de Sarkozy, par Mélanie Delattre et Emmanuel Lévy, Mille et une nuits, 2012.

[^6]: Du 13 janvier

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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